Responsabilité du liquidateur et recours en cas de manque de collaboration
Dans l’affaire Gosselin c. Gosselin, la Cour Supérieure a été saisie d’une requête introductive en destitution et en remplacement du liquidateur d’une succession. La Cour Supérieure est donc appelée à décider si la liquidatrice, a manqué à ses devoirs dans l’administration de la succession et si elle doit être remplacée à titre de liquidatrice. La Cour a également eu à déterminer si la défenderesse devait personnellement supporter les honoraires extrajudiciaires engagés dans cette affaire.
Un manque de collaboration et des divergences de vue concernant le processus de liquidation de la succession de feu Émilien Gosselin sont à l’origine du litige.
Les demandeurs recherchent dans un premier temps, par leur requête introductive, la destitution de la liquidatrice de ladite succession et son remplacement. D’autres conclusions sont également recherchées relativement aux dommages économiques subi.
LES FAITS
De la preuve testimoniale et littérale administrée par les parties, le Tribunal retient notamment les éléments factuels suivants:
- les parties sont les sœurs et le frère de feu Émilien Gosselin décédé le 19 octobre 2008;
- le défunt a laissé un testament notarié daté du 26 octobre 1972 par lequel il institue, en parts égales, ses frères et sœurs, Lucille, Thérèse, Marguerite, Madeleine, Bertrand, Marthe, Lise, Monique, Fernand et Guy, ses légataires universel;
- le testateur, désigne le liquidateur de la façon suivante désigne comme liquidateur de ma succession: madame Marie-Marthe GOSSELIN et en cas de décès, de refus, de démission ou d’incapacité légale d’agir de mon liquidateur, je lui substitue: monsieur Bertrand GOSSELIN et à défaut, Monsieur Hervé TURCOTTE. S’il est impossible de pourvoir au remplacement de mon liquidateur de la façon ci-dessus prévue, mes héritiers le feront à la majorité par acte notarié en minute. Dans tous les cas où la désignation de mon liquidateur sera faite soit par mes héritiers, soit par le tribunal, le liquidateur ainsi désigné sera investi des mêmes droits et pouvoirs et sera assujetti aux mêmes obligations que s’il avait été désigné par moi dans le cadre de mon testament mentionné ci-haut et de la présente modification de testament. Mon liquidateur sera chargé de la pleine administration des biens de ma succession et aura les pouvoirs les plus étendus pour effectuer la liquidation de ma succession.
- après avoir reçu communication du testament et du codicille, les demandeurs, héritiers de leur frère, communiquent avec la défenderesse afin d’obtenir des informations sur le contenu de la succession et les étapes à suivre pour la liquider. La défenderesse reconnaît ces communications en précisant « qu’elle a eu des communications téléphoniques avec chacun des demandeurs et qu’elle a discuté avec eux de longues minutes lors de ces communications;
- le 20 octobre 2009, affirmant ne pas avoir obtenu les informations demandées sur le contenu de la succession, monsieur Fernand Gosselin, l’un des demandeurs, transmet à la défenderesse une lettre dont il convient de reproduire le premier et les deux derniers paragraphe: « Durant le mois de janvier 2009, ou environ, je vous ai parlé concernant la Modification le Testament (No. 2 905) pour Émilien Gosselin, qui me dénote comme étant un héritier. À l’époque je vous ai demandé de me révéler la valeur approximative de l’état. Malheureusement, vous avez refusé d’adresser la question. Alors par la suite, j’ai contacté les autorisés professionnelles. À ce temps, je demande officiellement que vous, comme « le Liquidateur », conformément au Code civil de la Province de Québec et comme un administrateur à mon nom, m’envoyer une copie de votre rapport documenté et inventaire de la Succession (l’État) pour mon frère de défunt, Émilien Gosselin, dans une période qui ne surpasse pas plus que 20 jours. Je veux profiter de cette occasion afin de vous remercier d’avance de répondre à ma demande, qui conforme directement au Code civil de Québec. Depuis qu’il est mort le 19 octobre 2008, comme le Liquidateur, vous êtes juridiquement responsable d’envoyer une copie de votre rapport et inventaire avec les relevés de compte datés environ le 20 octobre 2008, afin de démontrer la valeur de l’état. »
- la défenderesse ne considéra pas important de réclamer cette lettre de la poste.
- n’ayant pas eu de réponse à cette lettre, le 12 novembre 2009, monsieur Fernand Gosselin communique à nouveau par lettre avec la défenderesse.
- la défenderesse n’a pas pris possession de cette lettre.
- le 12 avril 2010, la demanderesse Monique Gosselin Gagné, conjointement avec son frère Guy, transmet à la défenderesse une mise en demeure.
- le 7 septembre 2010, le procureur de la défenderesse transmet à tous les héritiers de feu Émilien Gosselin « l’inventaire successoral » de ce dernier accompagné de pièces justificatives;
- finalement, le 6 janvier 2011, le procureur des demandeurs verse au dossier de cette Cour la procédure introductive d’instance sous étude.
LES QUESTIONS EN LITIGE
Madame Marie-Marthe Gosselin, à titre de liquidatrice, a-t-elle manqué à ses devoirs dans l’administration et la liquidation de la succession de son frère, feu Émilien Gosselin? Le cas échéant, doit-elle être remplacée à titre de liquidatrice?
DISCUSSION
Madame Marie-Marthe Gosselin, à titre de liquidatrice, a-t-elle manqué à ses devoirs dans l’administration et la liquidation de la succession de son frère, feu Émilien Gosselin? Le cas échéant, doit-elle être remplacée à titre de liquidatrice?
La destitution et le remplacement d’un liquidateur ont fait l’objet d’une jurisprudence abondante. Il demeure que chaque cas est un cas d’espèce. Toutefois, dans la présente affaire, le Tribunal ne peut passer sous silence les propos de la Cour d’appel, à l’occasion d’un arrêt du 14 février 2012, Réjean Roy c. Raymonde Roy:
«Comme notre Cour l’a déjà mentionné, « Règle générale, la destitution des liquidateurs est une mesure extrême, particulièrement lorsque le liquidateur a été désigné par le testateur ». En l’espèce, la Cour est d’avis que l’intimé n’a pas démontré la présence de la part de l’appelant « […] de malversation, de conflit d’intérêts ou d’un manque de loyauté et de diligence opposant l’intérêt du liquidateur à celui des héritiers. »
Dans le cas sous étude, c’est le défunt lui-même qui a remplacé le liquidateur de sa succession en avril 2002. Il a alors choisi sa sœur Marie-Marthe à qui il confie la pleine administration des biens de sa succession avec « les pouvoirs les plus étendus pour effectuer la liquidation de sa succession ».
Il a confiance en elle. Il connaît son âge, sa scolarité, ses connaissances et ses capacités. Il la considère capable d’agir comme liquidatrice.
Bien qu’il réside à cette époque au Domaine la Marguerite (résidence pour personnes retraitées), à Rimouski, personne ne remet en cause l’aptitude de feu Émilien Gosselin à gérer ses biens au cours de la période qui a suivi.
Avant son décès, en octobre 2008, sa sœur Marie-Marthe l’assiste s’il a des besoins mais « elle ne gère pas ses affaires ». En cours d’audition, elle reconnaît que son frère lui a remis de son vivant des chèques en blanc et elle affirme ne pas s’en être servie.
Ainsi, suite au décès de son frère survenu le 19 octobre 2008, elle doit assumer ses obligations de liquidatrice.
Les seuls actifs du défunt sont des placements bancaires, soit un compte à la Banque nationale du Canada, succursale 02621, à Rimouski (56 440,54 $), un compte à la Banque Laurentienne, succursale 312, à Rimouski (186 513,14 $) et des certificats de dépôts totalisant 316 092,98 $ à la Banque nationale du Canada, succursale 16059, à Montréal.
Il eut été facile pour la défenderesse, dès qu’elle eut pris connaissance des actifs de son frère, d’informer les héritiers du contenu et de la valeur du patrimoine successoral de ce dernier. Dès décembre 2008, ces informations sont disponibles. D’ailleurs, comme l’a écrit la professeure Cantin Cumyn, « l’inventaire a un rapport direct avec la reddition de compte, une formalité essentielle, à laquelle un administrateur du bien d’autrui ne peut se dérober? ».
Toutefois, à propos de l’obligation de faire inventaire, aucun délai n’est imposé au liquidateur. Il devrait le faire le plus tôt possible après son entrée en fonction.
Cette réticence de la défenderesse à faire connaître aux héritiers la valeur du patrimoine successoral dès qu’elle la connaît, constitue, de l’avis du Tribunal, le prélude d’un long et coûteux processus judiciaire dont les parties, en date de ce jour, ignorent l’issue.
La défenderesse, comme liquidatrice, se devait d’agir avec prudence et diligence. Elle se devait également d’agir avec honnêteté et loyauté, dans le meilleur intérêt des héritiers.
Si elle ignorait ce qu’était un inventaire, comme elle le prétend, pourquoi, dès lors ne pas consulter la notaire qui avait préparé le codicille en 2002 ou, encore, un procureur?
Au contraire, elle préfère ne pas fournir d’informations, comme elle en témoigne:
« Q. Une liste de biens, y peut avoir une liste des placements, de l’argent c’est un bien….
Laissez le témoin répondre.
- Tout à fait, allez-y.
- La raison, y avait rien, pis, je me …. je me suis fiée, y a rien là l’inventaire est là à la banque, c’est ça qu’y a, que y vont voir.
- Leur avez-vous donné cette information-là?
- Mais, y m’ont pas demandé.
- Y a personne qui vous a demandé de l’information?
- Y ont pas demandé d’information, y ont demandé comment ce qui avait à la banque.
(…)
- Mais, je viens de vous lire l’extrait, c’est une lettre que vous avez reçue, il vous demande un inventaire. Est-ce que vous saviez qu’ils demandent des inventaires?
- Là, je vais vous dire que j’ai été assez … assez harcelée pour avoir des informations, pis l’inventaire, pis y savait qu’y avait rien, y avait juste l’inventaire, y avait rien.
- Ça fait que là, vous avez été harcelée pour avoir l’inventaire?
- Non, harcelée de toutes sortes de choses, avant. »
Si elle voulait agir d’une façon transparente et avec prudence, pourquoi refuser de communiquer aux héritiers qui lui en faisaient la demande une copie des relevés bancaires du défunt à la date de son décès.
Ce faisant, cela lui aurait permis d’établir qu’elle était sans reproche, et ainsi, de donner confiance à tous les héritiers et, partant, d’éviter le litige actuel.
La conduite de la défenderesse, comme liquidatrice, comporte plusieurs manquements, dont les suivants:
– ne pas avoir rendu un compte annuel de sa gestion, vu que la liquidation se prolongeait au-delà d’une année (art. 806 et 1351 C.c.);
– ne pas avoir permis que les héritiers puissent examiner les livres et les pièces justificatives se rapportant à l’administration de la succession (art. 1354 C.c.).
Toutefois, malgré ces manquements, le Tribunal ne retrouve dans la preuve aucun motif suffisamment sérieux pour entraîner sa destitution comme liquidatrice et son remplacement.
D’autre part, il ne faut pas perdre de vue que la défenderesse, dès avril 2010, est représentée par procureur[22], soit près de 9 mois avant l’introduction des procédures sous étude.
En terminant, le Tribunal prend la liberté de mentionner qu’un délai excédant 90 jours, à compter de la date du présent jugement, pour compléter le règlement de cette succession serait malvenu.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
ACCUEILLE partiellement la requête introductive d’instance des demandeurs;
DÉCLARE que la défenderesse n’a droit à aucune rémunération pour l’exercice de ses fonctions de liquidatrice;
LIMITE à 10 000 $ les honoraires et déboursés extrajudiciaires engagés par la défenderesse, à titre de liquidatrice, au bénéfice de la succession;
CONDAMNE personnellement la défenderesse à assumer les honoraires et déboursés extrajudiciaires supplémentaires qu’elle a engagés et, le cas échéant, la CONDAMNE également à rembourser à la succession les honoraires et déboursés extrajudiciaires excédant 10 000 $ qu’elle aurait déjà versés à son procureur pour et au nom de la succession;
CHAQUE PARTIE supportant ses dépens vu la nature du litige et les conclusions auxquelles en arrive le Tribunal, étant entendu que ceux de la défenderesse seront assumés par la succession.
Voici une vidéo indiquant les recours possibles contre un liquidateur qui ne respecte pas ses obligations :
Pour de l’information sur les 13 étape de la liquidation d’une succession, nous vous invitons à visionner notre vidéo portant sur ce sujet:
______________________________________
* Lacombe Avocats offre un service de recours contre un liquidateur en contrepartie d’honoraires basés sur un pourcentage de la somme obtenue, contactez-nous pour de plus amples informations.
* Lacombe Avocats offre égement plusieurs types de services inhérents à la liquidation d’une succession:
1) un service clé en main de liquidation de succession et effectue chacune des étapes pour vous à tarif forfaitaire: 5% la valeur de la succession;
2) Un service d’accompagnement aux liquidateurs, idéal pour des consultations occasionnelles: Bloc de 10h à 1350$, Bloc de 20h à 2400$, Bloc de 40h à 4200$;
3) Un service d’avis juridique écrit permettant de répondre à des questions spécifiques: dès 450$.
__________________________________
Contactez-nous pour de plus amples informations: Tel: 514-898-4029 Courriel: malacombe@LacombeAvocats.ca