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Prescription d’un terrain municipal

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En premier lieu, il est opportun de souligner qu’il est généralement possible devenir propriétaire d’un terrain par prescription. La prescription vise à stabiliser et à cristalliser les situations juridiques. Elle est régie en majeure partie par les articles 2875 à 2933 du Code civil du Québec (ci-après « C.c.Q. »). La prescription est un moyen d’acquérir par l’écoulement du temps et aux conditions déterminées par la loi. L’article 2910 du C.c.Q. définit plus précisément la notion de prescription acquisitive: La prescription acquisitive est un moyen d’acquérir le droit de propriété par l’effet de la possession. Le délai de la prescription acquisitive est de 10 ans, s’il n’est autrement fixé par la loi.[1]

Au Québec, ce qui n’est pas déclaré imprescriptible peut être prescrit. En effet, l’article 916 du C.c.Q. prévoit notamment que : les biens s’acquièrent par contrat, par occupation, par prescription, par accession ou par tout autre mode prévu par la loi. Cependant, nul ne peut s’approprier par occupation, prescription ou accession les biens de l’État, sauf ceux que ce dernier a acquis par succession, vacance ou confiscation, tant qu’ils n’ont pas été confondus avec ses autres biens. Nul ne peut non plus s’approprier les biens des personnes morales de droit public qui sont affectés à l’utilité publique.

La prescriptibilité d’un bien dépend donc du caractère du bien en question. Ainsi, sont imprescriptibles les droits les biens de l’État et les biens des personnes morales de droit public (comme les municipalités, les commissions scolaires, les organismes publics et les sociétés d’État). Il existe, néanmoins, une exception à l’imprescriptibilité des biens des municipalités prévues à la dernière phrase de l’article 916 du C.c.Q. En effet, ce texte permet que certains biens des corporations de droit public tombent dans leur domaine privé et soient ainsi saisissables et susceptibles d’appropriation lorsqu’ils ne sont pas affectés à l’utilité publique.[2] Plusieurs décisions jurisprudentielles sont venues confirmer cette exception. Les tribunaux ont notamment établi les principes décrits ci-dessous.

Les biens qui appartiennent à une municipalité et qui sont affectés à l’utilité publique font partie de son domaine public. Les biens qui ne sont pas accessibles au public, où qui ne lui est pas d’une utilité immédiate sont, par contre, réputés faire partie du domaine privé de celle-ci.[3]

Un bien est considéré comme affecté à l’utilité publique, s’il est destiné à l’usage public et général, s’il est essentiel au fonctionnement de la municipalité, ou s’il est mis gratuitement à la disposition du public en général.[4]

Un bien est affecté à l’utilité publique lorsqu’il est utilisé directement par la population, lorsqu’il permet à une municipalité de remplir le rôle qui lui est dévolu par le gouvernement provincial en tant qu’administration locale, lorsqu’il est nécessaire pour permettre à une municipalité d’exercer ses pouvoirs et de remplir ses obligations.[5]

L’utilité publique peut être soit directe soit indirecte. Elle est indirecte si le bien n’est pas utilisé par la population, mais est possédé par la municipalité dans l’intérêt général et pour une fin municipale.[6]

Les biens affectés à l’utilité publique incluent ceux destinés à l’usage direct du public et ceux affectés à un service public, soit tous ceux qui sont essentiels à la collectivité locale ou à l’établissement public concernés.[7]

Les biens appartenant à une municipalité qui ne sont pas accessibles au public, ou qui ne leur sont pas d’une utilité immédiate, sont réputés faire partie du domaine privé de celle-ci et sont donc prescriptibles.[8]

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[1] 2917 C.c.Q.

[2] École de technologie supérieure c. Société d’ingénierie C.I.M.A., (C.S., 1997-09-25)

[3] Association des locataires du Village olympique inc. (ALVO) c. Montréal (Ville de), (C.S., 2012-08-16)

[4] Roy c. Pincourt (Ville de), (C.A., 2015-08-31); Ville de Chambly c. 9124-6215 Québec inc., (C.S., 2017-04-20; Construction de la croisette inc. c. Demco Démolition inc., (C.S., 2015-04-14); Équipements Yves Landry inc. c. Gaspé (Ville de), (C.S., 2014-04-28)

[5] Association des résidents du Domaine-Ouellet inc. c. St-Élie-de-Caxton (Municipalité), (C.S., 2015-05-25)

[6] Roy c. Pincourt (Ville de), (C.A., 2015-08-31); Association des résidents du Domaine-Ouellet inc. c. St-Élie-de-Caxton (Municipalité de), (C.S., 2015-05-25); Équipements Yves Landry inc. c. Gaspé (Ville de), (C.S., 2014-04-28); Association des locataires du Village olympique inc. (ALVO) c. Montréal (Ville de), (C.S., 2012-08-16).

[7]Roy c. Pincourt (Ville de), (C.A., 2015-08-31), 2015 QCCA 1394

[8] Association des locataires du Village olympique inc. (ALVO) c. Montréal (Ville de), (C.S., 2012-08-16), 2012 QCCS 3864

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