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Presrciption acquisitive d’un terrian agricole

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D’emblée, il est opportun de souligner qu’en matière de droit immobilier, le possesseur d’un terrain peut obtenir la propriété dudit terrain par une possession de dix ans. En effet, celui qui, pendant dix ans, a possédé un immeuble à titre de propriétaire peut en acquérir la propriété à la suite d’une demande en justice.[1]

Tel que reconnu dans Therrien c. Québec,[2] confirmé par l’article 2910 du Code civil du Québec (ci-après « C.c.Q ») et par la doctrine applicable en l’espèce, la prescription acquisitive repose fondamentalement sur la possession, laquelle constitue l’instrument principal et indissociable de cette espèce de prescription, le second étant évidemment le facteur temporel. C’est pourquoi les règles de la prescription s’étudient de concert avec celles de la possession.[3]

La possession est l’exercice de fait d’un droit réel dont le possesseur se veut titulaire.[4] Pour produire des effets, la possession doit être paisible, continue, publique et non équivoque.[5] La jurisprudence a établi les critères et les définitions des termes paisible, continue, publique et non équivoque.[6]

Par ailleurs, la Cour d’appel a indiqué que le jugement en prescription acquisitive est déclaratoire : il reconnait le droit de propriété. La Cour d’appel a ajouté qu’en raison de la nature perpétuelle de ce droit, le recours en prescription acquisitive est donc imprescriptible.[7]

De surcroit, l’article 2918 du C.c.Q. ne réfère pas à celui qui possède un immeuble depuis dix ans, mais bien à celui qui a possédé un immeuble pendant dix ans. Conséquemment, des demandeurs qui n’ont plus la possession actuelle peuvent néanmoins s’adresser au tribunal pour faire valoir la prescription acquisitive. Cet élément peut être utile afin de négocier l’achat préalablement à l’introduction d’une Demande judiciaire couteuse et incertaine.

Nonobstant ce qui précède, l’autorisation de la Commission de protection du territoire agricole est vraisemblablement requise pour obtenir la propriété d’un terrain agricole.

En effet, l’article 28 de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles (ci-après « L.P.T.A.A »)  interdit l’aliénation d’une partie d’un lot agricole, sans l’autorisation de la Commission de protection du territoire agricole. La L.P.T.A.A. définit, pour ses fins, une aliénation comme étant « tout acte translatif ou déclaratif de propriété ». Ainsi, le jugement en prescription acquisitive apparait à priori comme une aliénation. Toutefois, la jurisprudence est divisée sur la question.

Dans le premier courant jurisprudentiel, la Cour supérieure a refusé d’accorder une demande en prescription acquisitive portant sur une partie d’un lot agricole.[8]  Dans un premier temps, le tribunal a considéré que l’utilisation non agricole, alors  que la parcelle litigieuse était zonée agricole, empêche d’avoir une possession utile, car cette utilisation illégale rend la possession équivoque.  Dans le même sens, dans l’affaire Paradis c. Agribois,[9] il a été jugé qu’une utilisation non agricole ne constituerait pas une possession équivoque.

Dans un deuxième temps, le tribunal a indiqué que le jugement en prescription acquisitive entre dans la définition du mot « aliénation » de la L.P.T.A.A. et constitue donc une aliénation au sens de cette loi. Comme l’article 28 de la L.P.T.A.A. interdit l’aliénation d’une partie d’un lot agricole et qu’une telle aliénation est susceptible d’être annulée en vertu de l’article 30 de cette même loi, le tribunal en conclut qu’il ne peut rendre un jugement en prescription acquisitive, car il s’agirait d’un jugement annulable.

Avec respect, ce jugement semble discutable. Premièrement, la possession utile est celle qui est paisible, continue, publique et non équivoque. Nous voyons mal comment une utilisation qui serait illégale rendrait de ce fait la possession équivoque, ou encore porterait atteinte à l’une ou l’autre des autres caractéristiques de la possession utile. La possession est équivoque lorsque le possesseur reconnait le droit d’autrui ou lorsqu’elle n’est pas exclusive, c.-à-d. lorsque les gestes du possesseur entrent en concurrence avec ceux posés par d’autres.

Deuxièmement, un jugement en prescription acquisitive est de nature non contentieuse, lorsque rendu sans contestation ni preuve contraire. Par conséquent, il est toujours susceptible d’être rétracté, donc annulé. En extrapolant le deuxième argument du tribunal, il deviendrait difficile d’obtenir un jugement en prescription acquisitive, lorsque non contesté, car il s’agirait toujours d’un jugement annulable.

Ceci étant, il faut préciser que la Commission de protection du territoire agricole n’a pas été impliquée dans cette cause. Comme nous le verrons ci-après, la mise en cause de la Commission de protection du territoire agricole, sans que celle-ci ne conteste, permettrait d’écarter ce deuxième motif de rejet de la décision Liberté TM Inc.

Le deuxième courant jurisprudentiel prévoit qu’il ne faut pas confondre l’utilisation faite par le possesseur et la possession qui amène la prescription.[10] Autrement dit, la légalité ou l’illégalité de l’utilisation n’est pas un paramètre à considérer dans le cadre d’une demande en prescription acquisitive en territoire agricole. Tel que mentionné ci-dessus, cela nous parait plus approprié en regard du caractère « non équivoque » de la possession.

Quoi qu’il en soit, il est avisé de mettre en cause la Commission de protection du territoire agricole dans une Demande judiciaire. Si cette dernière fait défaut de s’objecter à la demande, on pourra supposer qu’elle est d’accord avec le principe qu’elle n’a pas compétence pour déterminer qui est le propriétaire. Si la Commission de protection du territoire agricole s’oppose, les critères applicables en matière d’autorisation de transfert d’une terre agricole, énumérés ci-dessous, devront évidemment être respectés. Une autre option envisageable est d‘obtenir l‘autorisation de la Commission avant même de produire la Demande judiciaire.

Dans le cas d’une transaction de gré à gré, il est incontestable que l’autorisation préalable de la Commission de protection du territoire agricole est requise.

Nous traiterons maintenant des critères sur lesquels se base la Commission de protection du territoire agricole avant d’octroyer une autorisation de transfert. Premièrement, la L.P.T.A.A. prévoit l‘application de dispositions générales préalables, et ce avant même l’évaluation des 10 critères applicables en matière d’autorisation de transfert d’une terre agricole. Finalement, la Commission peut prendre deux derniers critères facultatifs en considération

L’article 61.1 de la L.P.T.A.A. prévoit lorsqu’une demande porte sur une autorisation d’une nouvelle utilisation à des fins autres que l’agriculture, le demandeur doit d’abord démontrer qu’il n’y a pas, ailleurs dans le territoire de la municipalité locale et hors de la zone agricole, un espace approprié disponible aux fins visées par la demande. La commission peut rejeter la demande pour le seul motif qu’il y a des espaces appropriés disponibles hors de la zone agricole.

La jurisprudence à affirmer que se pouvoir discrétionnaire de la Commission ne peut être exercé de manière arbitraire. Voici les 4 questions sur lesquels se base la Commission afin de déterminer si la demande d’autorisation doit être rejetée dès la première étape. 1) Le lot visé par la demande constitue-t-il une base territoriale pour la pratique de l’agriculture dont il faut préserver la pérennité? 2) Le lot visé comporte-t-il des entreprises ou des activités agricoles qu’il faut protéger? 3) Existe-t-il des espaces appropriés disponibles en zone non agricole pour accueillir le projet? 4) Le projet peut-il se réaliser en zone non agricole de la municipalité?

Si la demande d’autorisation d’aliénation réussie à franchir la première étape, voici les 10 critères sur lesquels la Commission doit se baser par la suite: 1) le potentiel agricole du lot; 2) les possibilités d’utilisation du lot à des fins d’agriculture; 3) les conséquences d’une autorisation sur les activités agricoles existantes; 4) les effets résultant de l’application des lois et règlements en matière d’environnement; 5) la disponibilité d’autres emplacements de nature réduire les contraintes sur l’agriculture, particulièrement lorsque la demande porte sur un lot compris dans une région métropolitaine de recensement; 6) l’homogénéité de la communauté et de l’exploitation agricoles; 7) l’effet sur la préservation pour l’agriculture des ressources eau et sol dans la région; 8) la constitution de propriétés foncières dont la superficie est suffisante pour y pratiquer l’agriculture; 9) l’effet sur le développement économique de la région; 10) les conditions socioéconomiques nécessaires à la viabilité d’une collectivité.

Finalement, la Commission peut prendre deux derniers critères facultatifs en considération:1) un avis de non-conformité aux objectifs du schéma d’aménagement transmis par une municipalité; 2) les conséquences d’un refus pour le demandeur.

Nous tenons à mentionner qu’il existe plusieurs exceptions prévoyant qu’une demande d’autorisation n’est pas requise. N’Héaitz pas à nous contacter afin de connate les exceptions applicables.

À noter, qu’une demande d’autorisation à la Commission de protection du territoire agricole peut être instiguée par soit le possesseur, ou soit par le propriétaire en titre. De plus, une demande d’autorisation comporte un délai de traitement approximatif de 4 à 6 mois.

[1] Article 2918 C.c.Q

[2] Therrien c. Québec (ministre du Revenu) QCCS 2607

[3] Artices 921 à 933 C.c.Q

[4] Article 921 C.c.Q.

[5] Article 922 C.c.Q.

[6] Dupuis c. Gauthier, 2013 QCCA 774; Houle c. Trudel 2008 QCCS 4917

[7] Dion c. Ouellet-Latulippe, 2008 QCCA 1812. Dans cette cause, la prescription a été accomplie en 1996 et la demande en prescription  a été faite en 2005.

[8] Liberté TM inc. c. Grenier, 2011 QCCS 3171

[9] Paradis c. Agribois, EYB 2013-220600 (C.S.)

[10] Dupuis c. Sainte-Perpétue (Municipalité de), 2012 QCCS 2678

 

Voici une vidéo portant sur la prescription acquisitive immobilière:

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