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L’entretien d’un immeuble détenu en copropriété

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D’emblée il est opportun de souligner que le devoir d’entretien des parties communes et de conservation de l’immeuble auquel est tenu le syndicat des copropriétaires est prévu aux articles 1039 et 1077 du Code civil du Québec (ci-après le « C.c.Q. »)

L’article 1039 C.c.Q. prévoit spécifiquement que : la collectivité des copropriétaires constitue, dès la publication de la déclaration de copropriété, une personne morale (syndicat) qui a pour objet la conservation de l’immeuble, l’entretien et l’administration des parties communes, la sauvegarde des droits afférents à l’immeuble ou à la copropriété, ainsi que toutes les opérations d’intérêt commun.

L’article 1077 C.c.Q. prévoit que : le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers[1] par le vice de conception ou de construction ou le défaut d’entretien des parties communes, sans préjudice de toute action récursoire.

La jurisprudence a également établi plusieurs principes en matière le devoir d’entretien des parties communes et de conservation de l’immeuble auquel est tenu le syndicat des copropriétaires.

La jurisprudence a établi que la responsabilité d’entretien imposée au syndicat s’applique aussi aux parties communes dont la jouissance est exclusive à certains propriétaires.[2]

De plus, il a été reconnu que la responsabilité du vendeur en vertu de l’article 1726 C.C.Q. et celle du syndicat n’est pas de même nature et n’émane pas de la même source. La garantie est imposée au vendeur parce qu’il est présumé connaitre le vice de construction et qu’il vend l’immeuble sans informer l’acheteur de l’existence du vice. En revanche, l’obligation faite aux administrateurs envers chaque propriétaire de réparer les vices de construction des parties communes découle du fait qu’ils doivent assumer la charge de conservation de l’immeuble.[3]

Dans l’affaire Belcourt Construction[4], la Cour d’Appel précise à nouveau l’étendue des devoirs et responsabilités des administrateurs de copropriété comme suit: La responsabilité des administrateurs (du syndicat) à l’égard de la conservation de l’immeuble et l’entretien des parties communes les oblige à faire exécuter les travaux nécessaires pour prévenir la dégradation de l’immeuble.

Dans cette même affaire, la Cour d’Appel précise enfin l’origine de cette responsabilité des administrateurs du syndicat de copropriété: l’existence de ce devoir d’entretien et de conservation se trouve confirmée par l’imposition d’une responsabilité délictuelle (extracontractuelle) à l’égard des administrateurs (du syndicat).  Ils répondent en effet des dommages causés aux tiers comme aux copropriétaires par les défauts d’entretien et par les vices de construction des parties communes.

Dans l’affaire Jourdain c. Larouche,[5] le juge de première instance précise ce que la responsabilité découlant de l’article 1077 C.C.Q. s’applique aussi aux parties communes dont la jouissance est exclusive à certains propriétaires.

De plus, le juge indique qu’il en découle de l’article 1518 C.c.Q. que le syndicat de propriété est conjointement responsable des dommages de construction; cet article se lit comme suit: l’obligation est conjointe entre plusieurs débiteurs lorsqu’ils sont obligés à une même chose envers le créancier, mais de manière que chacun d’eux ne puisse être contraint à l’exécution de l’obligation que séparément et jusqu’à concurrence de sa part dans la dette. Elle est conjointe entre plusieurs créanciers lorsque chacun d’eux ne peut exiger, du débiteur commun, que l’exécution de sa part dans la créance.

Pour ces motifs, le Tribunal est d’avis que le Syndicat peut être conjointement responsable pour la réfection des vices de construction et pour les défauts d’entretien, sans pour autant qu’il n’y ait de solidarité entre le Syndicat et les vendeurs de l’unité de copropriété.

Les auteurs et la jurisprudence ont à maintes reprises rappelé les critères applicables en l’espèce. Ils se résument ainsi:

1- Le syndicat des copropriétaires est responsable en cas de dommages causés aux copropriétaires par le vice de conception ou de construction ou le défaut d’entretien des parties communes.

2- Les motifs pour lesquels la responsabilité du syndicat doit être retenue sont différents de la responsabilité des vendeurs. Les vendeurs sont responsables en vertu de leur contrat de vente et des obligations spécifiques que la loi leur impose. L’obligation du vendeur est donc à la fois contractuelle et extracontractuelle, ce qui donne ouverture aux recours en diminution du prix de vente ou en annulation de celle-ci. La responsabilité du syndicat découle plutôt des dispositions du Code civil sur la copropriété (art.1077 C.c.Q.). C’est ainsi que le recours se limite aux dommages directs résultant du vice de construction ou de conception ou au défaut d’entretien. Il s’agit d’une obligation extracontractuelle.

3- La responsabilité ainsi encourue par le syndicat est absolue. Elle s’applique de plein droit lorsque les préalables sont établis. En effet, l’article1077 est d’ordre public et le syndicat ne peut y déroger.

4- La responsabilité découlant de l’article1077 C.c.Q. s’applique aussi aux parties communes, y compris celles dont la jouissance est exclusive à certains propriétaires.

5- Cette obligation s’avère fort exigeante à l’égard du syndicat de copropriété, tel qu’en témoigne la jurisprudence en la matière.

6- Quant à l’étendue de l’obligation du syndicat, elle peut, le cas échéant, couvrir la réfection des vices de construction. Au cas de défaut de régler un problème (entretien, conception ou construction), le syndicat peut être tenu responsable des dommages secondaires causés, par exemple, à un copropriétaire.

7- La partie commune à usage restreinte, notamment les portes, fenêtres, murs extérieurs et balcons, demeure une partie commune et son remplacement est la responsabilité du syndicat. Et ce particulièrement si cela découle directement d’un vice de construction et/ou de conception.

Le syndicat doit donc agir avec diligence pour l’entretien des espaces communs.[6]

Il n’existe aucune limite à la durée de la responsabilité des membres du syndicat, sauf cas d’extinction des obligations. Leur responsabilité ne prend pas fin avec l’expiration de leur mandat.[7]

De plus, la clause selon laquelle l’acheteur d’une copropriété divise s’engage à la prendre dans l’état où elle se trouve ne constitue pas une renonciation à poursuivre le syndicat.[8]

Le syndicat, assimilé au propriétaire et au gardien des parties communes de l’immeuble, peut être trouvé responsable de dommages résultant de ses propres actes, omissions ou négligences, de ceux causés par le fait autonome du bien dont il a la garde, ou découlant d’un défaut d’entretien, d’un vice de construction ou de la ruine du bâtiment, ou encore, de la faute d’un de ses préposés ou sous-traitants.[9]

Toutefois, un copropriétaire ne peut obliger le syndicat à faire des travaux considérables et couteux pour pallier un risque de sécurité qui n’est pas suffisamment sérieux.[10]

Malgré la responsabilité du syndicat, un copropriétaire divis conserve son droit de poursuivre son vendeur pour vices cachés et a l’intérêt pour exercer ce droit.[11]

De surcroit, cas de gestes illégaux ou de manquement grave la responsabilité personnelle des administrateurs peut être recherchée en justice et non seulement la responsabilité du syndicat.[12] Selon l’article 321 C.c.Q., l’administrateur d’une personne morale comme un Syndicat de copropriété, en est le mandataire : L’administrateur est considéré comme mandataire de la personne morale. Il doit, dans l’exercice de ses fonctions, respecter les obligations que la loi, l’acte constitutif et les règlements lui imposent et agir dans les limites des pouvoirs qui lui sont conférés.

À ce titre, l’administrateur encourt sa responsabilité personnelle dans le cas d’acte illégal de sa part, de mauvaise foi ou de défaut d’exercer ses devoirs.

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[1] Un locataire (votre mère) est un tiers au sens de cette disposition. Voir : D’Allaire c. Syndicat des copropriétaires Les Jardins du château, (C.Q., 2015-01-07), 2015 QCCQ 1, SOQUIJ AZ-51138786, 2015EXP-450, J.E. 2015-227

[2] Chamberland c. Franco, (C.S., 2004-07-15), SOQUIJ AZ-50262711, B.E. 2004BE-785, 2004 CanLII 2874 (QC CS), [2004] Q.J. No. 7871 (Q.L.); Jourdain c. Latouche, (C.Q., 1996-07-10), SOQUIJ AZ-96033060, [1996] R.D.I. 626; Dufour c. Syndicat des copropriétaires du Domaine de l’avenir, phase II, (C.Q., 2004-11-25), SOQUIJ AZ-50283401, J.E. 2005-195, [2005] R.D.I. 179, REJB 2004-81078

[3] Chamberland c. Franco, (C.S., 2004-07-15), SOQUIJ AZ-50262711, B.E. 2004BE-785; Summerside c. Turnberry, syndicat de copropriétaires, (C.S., 2003-03-14), SOQUIJ AZ-50166466, REJB 2003-40003, [2003] Q.J. No. 2285 (Q.L.), 2003 CanLII 15339 (QC CS); Clarke c. Immeubles Le Boisé Ltée, (C.S., 1988-07-05), SOQUIJ AZ-88021412, J.E. 88-1058; Talladira c. Manoir Montpellier Ltée, (C.S., 1987-01-08), SOQUIJ AZ-87021137, J.E. 87-300, [1987] R.J.Q. 440

[4] Belcourt Construction Company c. Cooperberg, 1993 CanLII 4034 (QC CA), [1993] R.D.I. 467, [1993] R.J.Q. 2038.

[5] Jourdain c. Larouche, [1996] R.D.I 626 (C.Q.)

[6] Lachapelle c. Dupras, (C.Q., 1992-10-26), SOQUIJ AZ-93033002, [1993] R.D.I. 59

[7] O’Farrell c. Blouin, (C.A., 1993-09-08), SOQUIJ AZ-93011830, J.E. 93-1594, [1994] R.D.J. 30, 1993 CanLII 4086 (QC CA)

[8] Summerside c. Turnberry, syndicat de copropriétaires, (C.S., 2003-03-14), SOQUIJ AZ-50166466, REJB 2003-40003, [2003] Q.J. No. 2285 (Q.L.), 2003 CanLII 15339 (QC CS)

[9] Allard-Proulx c. Syndicat des copropriétaires du Condominium Le Presqu’Île, phase 1, (C.Q., 2008-10-31), 2008 QCCQ 9569, SOQUIJ AZ-50519389, J.E. 2008-2208, EYB 2008-150164

[10]Éthier c. Québec (Ville de), (C.A., 2012-11-26), 2012 QCCA 2250, SOQUIJ AZ-50922026, 2013EXP-85, J.E. 2013-44

[11] Agostinucci c. Développement LCGM inc., (C.Q., 2015-03-20), 2015 QCCQ 2325, SOQUIJ AZ-51162619, 2015EXP-1252, EYB 2015-250441; Bourret c. Brixi, (C.Q., 2010-02-04), 2010 QCCQ 7730, SOQUIJ AZ-50672120, 2010EXP-3136

[12] Dubé-Pierre-Pierre c. Copropriété Port de plaisance, (C.Q., 1996-08-08), SOQUIJ AZ-96033064, [1996] R.D.I. 635

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