L’administrateur du bien d’autrui et la réddition de compte aux héritiers
D’emblée, il est opportun de souligner que l’article 1363 du Code civil du Québec (ci-après le « C.c.Q. ») prévoit spécifiquement que l’administrateur du bien d’autrui doit, à la fin de son administration, rendre un compte définitif au bénéficiaire. De plus, il est prévu que le compte doit être suffisamment détaillé pour permettre d’en vérifier l’exactitude; les livres et les autres pièces justificatives se rapportant à l’administration peuvent être consultés par les intéressés. L’acceptation du compte par le bénéficiaire en opère la clôture.
L’administrateur peut, à tout moment et avec l’agrément de tous les bénéficiaires, rendre compte à l’amiable. Si le compte ne peut être rendu à l’amiable, la reddition de compte a lieu en justice.[1]
L’administrateur qui a utilisé un bien sans y être autorisé est tenu d’indemniser le bénéficiaire pour son usage en payant l’intérêt sur le numéraire.[2] L’administrateur doit des intérêts sur le reliquat, à compter de la clôture du compte définitif ou de la mise en demeure de le produire.[3]
Plusieurs décisions sont venues confirmer ces principes. En effet, dans l’affaire Bélanger c. Bélanger[4], le Tribunal a reconnu que l’administrateur du bien d’autrui est tenu de rendre compte des actes posés avant le décès de l’administré. Le tribunal va encore plus loin en indiquant que l’administrateur du bien d’autrui ne devrait pas également être le liquidateur de la succession de ce dernier, vu le conflit d’intérêts.
Dans l’affaire Rodrigue c. Rodrigue[5], le Tribunal indique qu’on peut renoncer à une reddition de compte annuelle, mais non à une reddition de compte finale, laquelle est obligatoire. En imposant à tout administrateur du bien d’autrui l’obligation de rendre un compte définitif à la fin de son administration, la loi ne prévoit aucune exception.[6]
Finalement, dans l’affaire Fischer c. Fogel[7], l’Honorable Juge Dalphond, J.C.S., indique qu’en droit, l’héritier continue la personne du défunt.[8] En conséquence, les droits d’action d’un défunt résultant de contrats auxquels il était parti, y compris celui d’obtenir une reddition de compte quant au mandat, sont transmis à ses héritiers qui en ont légalement la saisine.[9]
Il est non équivoque que l’administrateur des biens d’un défunt a l’obligation de rendre compte de sa gestion aux héritiers de la Succession.
À noter que le droit d’obtenir une reddition de compte est un droit personnel. Il s’ensuit donc que l’action en reddition de compte doit être intentée dans les trois ans de la fin du mandat ou de la fin de l’administration des biens d’autrui.[10]
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[1] C.c.Q., art. 1364
[2] Ibid
[3] C.c.Q., art. 1368
[4] Bélanger c. Bélanger, (C.S., 2000-10-18), SOQUIJ AZ-00026653, B.E. 2000BE-1357
[5] Rodrigue c. Rodrigue, (C.S., 2013-10-15), 2013 QCCS 4876, SOQUIJ AZ-51009400
[6] Germain Brière, Les successions, 2e éd., Éditions Yvon Blais, 1994, p. 834.
[7] Fischer c. Fogel 1997 CanLII 8655 (QC CS)
[8] C.c.Q., art. 625; Germain Brière, Le nouveau droit successions, Wilson & Lafleur, 1994, par. 72
[9] C.c.Q., art. 625
[10] C.c.Q., art. 2925