La violation d’une promesse d’achat
Le contrat conclu en violation d’une promesse de contracter est opposable au bénéficiaire de celle-ci, sans préjudice, toutefois, de ses recours en dommages-intérêts contre le promettant et la personne qui, de mauvaise foi, a conclu le contrat avec ce dernier. Il en est de même du contrat conclu en violation d’un pacte de préférence.[1]
Une promesse d’achat conditionnelle est un avant-contrat qui, en cas de violation, donne à son bénéficiaire un recours en dommages-intérêts.[2]
Lorsque la clause de préférence ne contient aucune disposition touchant le délai accordé pour son exercice, celui-ci doit être raisonnable.[3]
Toute personne a le devoir d’honorer les engagements qu’elle a contractés. Elle est, lorsqu’elle manque à ce devoir, responsable du préjudice, corporel, moral ou matériel, qu’elle cause à son cocontractant et tenue de réparer ce préjudice; ni elle ni le cocontractant ne peuvent alors se soustraire à l’application des règles du régime contractuel de responsabilité pour opter en faveur de règles qui leur seraient plus profitables.[4]
Le refus injustifié du promettant vendeur de passer titre donne ouverture à des dommages-intérêts en faveur du promettant acheteur.[5]
Extrait de Nadeau c. Giguère expliquant la méthode de calcul du préjudice :
[55] Ce n’est pas parce que les demandeurs ont fait l’acquisition d’une autre résidence pour un prix plus élevé que Giguère serait automatiquement responsable de la différence entre ces deux prix. Il est clair qu’il faut tenir compte de la valeur marchande des deux résidences. Ce que les demandeurs sont plutôt en droit de réclamer de Giguère, suite à son refus injustifié de vendre, c’est, entre autres dommages, «the difference between the contract price and the market price of the property in question or alternatively, the cost of a similar replacement dwelling.»[2]. Dans l’affaire Michele Ruscitto c. Carmela Florio et al[3], notre collègue monsieur le juge Gomery écrivait :
«It is ordinarily very difficult to fix the amount of the economic loss suffered as a consequence of not becoming the owner of a specific property which is replaced by the acquisition of another property. No two houses are identical.»[4]
[56] Quoi que cette preuve soit difficile à faire, elle n’en incombe pas moins aux demandeurs.
[57] Les demandeurs ont choisi ici de ne pas faire entendre un expert qui aurait pu comparer la valeur marchande des deux maisons. La preuve révèle que les demandeurs ont offert 139 000 $ pour celle de la rue Briand parce que Ostiguy leur rappelait que le marché était très actif et que le vendeur – un autre agent immobilier- lui avait représenté que son prix demandé de 139 000 $ était non négociable et que d’autres acheteurs étaient intéressés. Cela n’aide pas beaucoup pour connaître la valeur marchande de la maison.
[58] Les demandeurs ont produit sous cotes P-13 a) et P-13 b) les fiches descriptives des deux maisons. L’on peut y voir que le montant de mise à prix pour celle de la rue Briand, en mai 1999, était de 149 900 $ et pour celle de la rue Baker 129 900 $, en mars 2000. Le terrain sur Briand est plus grand que celui sur la rue Baker : 126′ X 150′ contre 67′ X 100′. L’évaluation municipale de la maison de la rue Briand aurait été de 97 500 $ contre 123 300 $ pour celle de la rue Baker, selon ces mêmes fiches descriptives. Il eut été intéressant de vérifier les deux évaluations pour un même exercice fiscal. Les demandeurs ont choisi de ne pas produire les comptes de taxes. Il faut garder à l’esprit par ailleurs que ces fiches descriptives reflètent avant tout ce que le vendeur a bien voulu déclarer.
[59] Il n’en demeure pas moins que les demandeurs sont crédibles lorsqu’ils affirment que pour eux, la grandeur du terrain était un élément bien secondaire et que la finition et l’agencement de la maison de la rue Baker leur plaisaient bien davantage. Que l’on songe par exemple au solarium quatre saisons de 18,6′ X 18,6′ construit en 1993, aux nombreux puits de lumière, à la décoration intérieure.
[60] Ostiguy témoigne à l’effet que la maison de la rue Baker représentait un investissement plus intéressant pour les demandeurs à cause de certains attraits que n’offrait pas celle de la rue Briand. Elle insiste sur les principaux éléments suivants. La cuisine était plus grande, mieux éclairée, avec de plus beaux planchers et une robinetterie plus haut de gamme. La salle de bains principale était plus attrayante avec bain thérapeutique. Mais surtout, le solarium de la rue Baker, avec ses puits de lumière, ses planchers plus luxueux et sa hauteur était plus intéressant et beaucoup plus chaleureux que le salon de la rue Briand qui était, somme toute, beaucoup plus ordinaire.
[61] La demanderesse témoigne à l’effet qu’elle et son conjoint recherchaient avant tout une résidence dans laquelle ils n’auraient pas de rénovation à faire au cours des premières années et que cette exigence avait pesé dans la balance au moment où ils ont signé la promesse d’achat pour la maison de la rue Baker, laquelle leur paraissait être dans un excellent état d’entretien. La preuve révèle que ce n’était pas le cas pour la maison de la rue Briand. Il ressort clairement des témoignages des demandeurs qu’ils ont tout de suite aimé la maison de la rue Baker, que la demanderesse en appréciait déjà la chaleur, le bon goût de l’agencement et de la décoration. Pour les demandeurs, la maison de la rue Briand était définitivement un pis-aller, un second choix à défaut de pouvoir acheter celle de la rue Baker qui leur convenait bien davantage.
[62] Devant cette preuve qui eut gagné à être plus précise, le Tribunal considère qu’il y a lieu d’arbitrer à 10 000 $ les dommages dus aux demandeurs pour la différence de valeur entre la maison qu’ils ont acquise sur la rue Briand et celle que Giguère a refusé sans droit de leur vendre. En arrêtant ainsi les dommages à 10 000 $, le Tribunal tient compte de certains accessoires offerts dans la maison de Giguère et qui ne se retrouvent pas dans celle de Briand et pour lesquels il ne sera pas accordé de dommages sous le paragraphe 24 de la déclaration, pour éviter une double compensation. Ce montant de 10 000 $ tient compte également de l’état d’entretien de la maison de la rue Briand qui nécessitait, dès le départ, certaines réparations.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL CONDAMNE la défenderesse principale à payer aux demandeurs la somme de 18 591,38 $
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[1] Code civil du Québec, Article 1397
[2] Beaudet c. Veillette, (C.S., 2000-06-09), SOQUIJ AZ-00021674
[3] Nault c. Turcotte, (C.S., 2010-08-24), 2010 QCCS 3753, SOQUIJ AZ-50666574); 9143-7285 Québec inc. (Village de Chine) c. Immeubles Chartrand-Morneau inc., (C.S., 2009-01-08)
[4] Code civil du Québec, Article 1458
[5] Nadeau c. Giguère, (C.S., 2003-04-07), SOQUIJ AZ-50169455)