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La promesse d’achat (L’action en passation de titre)

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L’action en passation de titre pour forcer le respect de la promesse d’achat

Dans le cas où le promettant-vendeur refuse de conclure l’acte de vente suivant la conclusion d’une promesse d’achat acceptée de part et d’autre, il est possible de forcer la vente par une action en passation de titre. Le Code civil du Québec encadre notamment cette situation à l’article 1712 :

  • 1712. Le défaut par le promettant vendeur ou le promettant acheteur de passer titre confère au bénéficiaire de la promesse le droit d’obtenir un jugement qui en tienne lieu.

La jurisprudence a énoncé les éléments essentiels à rencontrer pour intenter une action en passation de titre, notamment dans l’affaire St-Laurent c. De Chanteloup3 :

  • 1) Promesse d’achat valide et exécutoire;
  • 2) Mise en demeure;
  • 3) Présentation d’un acte de vente substantiellement conforme à la promesse d’achat acceptée de part et d’autre;
  • 4) Offre et consignation du prix de vente indiqué à la promesse;
  • 5) Action intentée dans un délai raisonnable.

Il est cependant important à noter que le recours en passation de titre est principalement valable pour l’acheteur qui veut forcer le vendeur à respecter la promesse d’achat. C’est un recours qui est peu utile au vendeur et difficilement disponible. Normalement, le vendeur se contentera d’un recours en dommages contre le promettant-acheteur défaillant, notamment pour la différence entre le prix prévu à la promesse d’achat et le prix de vente réel qui a été accordé par la suite à un autre acheteur.

La Cour d’appel du Québec, dans l’affaire De Chanteloup c. St-Laurent, 2021 QCCA 90écarte la possibilité pour un vendeur de procéder à la passation de titre sauf dans de rare cas. En effet, ce recours sera possible notamment si les sommes en considération de l’achat sont entièrement disponibles dans un compte en fidéicommis (par exemple chez le notaire, par. 78).

La Cour d’appel dans cette affaire énonce les critères à rencontrer par le vendeur pour procéder via une passation de titre (par. 66):

  • préparer un contrat de vente, le signer devant notaire;
  • offrir ses titres et l’accomplissement de ses propres obligations;
  • fournir un certificat de recherches s’il s’est engagé à le faire;
  • sommer l’acheteur de signer le contrat et de payer le prix;
  • renouveler ses offres et faire les consignations nécessaires.

Comme le rappelle la Cour d’appel, il est difficile d’obtenir que le prix de vente soit payé par l’acheteur alors que c’est justement à cause que l’acheteur ne veut pas procéder à la vente que le recours est intenté, il sera donc en pratique rarissime que la passation de titre soit un recours possible ou souhaitable pour le vendeur :

  • [74] Au contraire de l’acheteur bénéficiaire du jugement, le vendeur a peu d’emprise sur le caractère exécutoire du jugement qui lui est favorable. Il est littéralement dépendant de la volonté de l’acheteur de payer le prix. L’article 1712 C.c.Q. ne lui est alors d’aucun secours. Le jugement ne peut tenir lieu de vente et ne peut en conséquence être translatif du droit de propriété, à moins que l’acheteur n’ait effectué le paiement, lui qui, par ailleurs, refuse ou néglige de signer l’acte.
  • [75] Cette différence notable, selon que l’initiative du recours est celle du vendeur plutôt que de l’acheteur, illustre les limites inhérentes à l’exécution en nature de l’obligation de l’acheteur. Le vendeur qui recherche passation de titre doit satisfaire deux conditions d’égale importance pour la réussite du recours. À l’exigence incontournable d’offrir un titre clair, s’ajoute la nécessité d’obtenir l’assurance du versement du prix de vente. Si le vendeur poursuivant est en mesure d’exercer un contrôle sur la première, la deuxième lui échappe.
  • [76] L’exécution forcée du jugement en passation de titre en faveur du vendeur est inconciliable avec la nature même du jugement prononcé en vertu de l’article 1712 C.c.Q. Par définition, ce jugement ne peut être conditionnel. Il ne peut être dépendant de la volonté du promettant-acheteur de payer le prix de vente. S’il n’est jamais acquis qu’un jugement exécutoire soit, en définitive, exécuté, cette réalité est difficilement compatible, voire incompatible, avec la nature même du jugement en passation de titre.
  • […]
  • [102] Il se trouve en pratique que le recours du vendeur en passation de titre est rarement opportun, voire rarement possible, en matière immobilière. L’identité de l’acheteur est en définitive de peu d’importance pour le vendeur. C’est davantage le prix qui compte. En ce sens, le recours en dommages s’avérera généralement plus propice.
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