Lacombe Avocats

Consultation

Article

La rétractation de jugement

Share Button

A- Le principe de l’irrévocabilité des jugements

Le recours aux tribunaux a pour objet principal d’établir et de maintenir la stabilité dans les rapports juridiques entre justiciables; le principe de l’irrévocabilité des jugements constitue l’un des fondements de cette stabilité, et est essentiel à la bonne administration de la justice.

Aussi, la rétractation de jugement ne peut-elle être demandée que pour des motifs limités, tels que ceux énoncés par le Code de procédure civile aux articles 345, 346 et 3494, et un pourvoi en rétractation de jugement ne saurait être une demande de reconsidération d’un jugement erroné, car cette fonction est réservée à la Cour d’appel, dans le cadre de sa compétence de réformation des jugements.

B- Les motifs de rétractation, à la demande d’une partie dans les cas de l’article 345 C.p.c.

Une partie peut demander la rétractation d’un jugement dans les cas suivants qui seraient non limitatifs selon un courant de jurisprudence :

–        si le maintien du jugement est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice;

–        lorsque le jugement a été rendu par suite du dol d’une autre partie; ce paragraphe ne vise pas le comportement répréhensible d’un justiciable incluant un faux témoignage, mais le terme « dol » comprend plutôt la notion d’un artifice en vue d’induire en erreur la partie avec qui un contrat est conclu. Un jugement qui a « donné acte » à une convention de partage du patrimoine familial ne constitue pas un obstacle infranchissable à son annulation s’il y a eu de fausses allégations et des manœuvres dolosives à l’endroit d’une partie; une telle demande d’annulation doit respecter les conditions de fond prévues au Code de procédure civile en matière de rétractation de jugement;

–        lorsque le jugement a été rendu sur des pièces fausses;

–        lorsque le jugement a été rendu alors que la production de pièces décisives a été empêchée par force majeure ou par le fait d’une autre partie; ce paragraphe ne vise pas la situation où une partie voudrait déposer une pièce qui n’aurait pas été produite au dossier de la cour en raison de la décision de son ancien procureur;

–        lorsqu’il a été prononcé au-delà des conclusions, contrairement à la règle de l’article 10, al. 2, ou qu’il a été omis de statuer sur une des conclusions de la demande; cette règle est cependant inapplicable dans certaines matières de droit familial, notamment en matière de garde d’enfant, d’application de la Loi sur le divorce, d’octroi de pensions alimentaires ou de sommes forfaitaires;

–        lorsque, s’agissant d’un mineur ou d’un majeur en tutelle ou en curatelle ou d’une personne dont le mandat de protection a été homologué, aucune défense valable n’a été produite;

–        lorsqu’il a été statué sur la foi d’un consentement invalide ou à la suite d’offres non autorisées et ultérieurement désavouées;

–        lorsqu’il a été découvert, après le jugement, une preuve qui aurait probablement entraîné un jugement différent si elle avait pu être connue en temps utile par la partie concernée ou par son avocat alors même que ceux-ci ont agi avec toute la diligence raisonnable.

De plus, une partie ne peut invoquer une décision récente pour rouvrir le procès en présentant un élément de preuve qui ne l’a pas été lors de l’audition initiale. Une demande visant la production d’une preuve nouvelle ne peut être justifiée uniquement par le fait qu’une nouvelle décision judiciaire permet à un avocat de présenter un vieil argument sous un angle nouveau.

Par ailleurs, une partie qui ne parle pas anglais et qui n’a pas pris les mesures nécessaires ni fait de demandes appropriées en vue de faire face à la situation sur le plan linguistique ne pourrait demander la rétractation du jugement qui rejette son recours.

C- Les motifs de rétractation à la demande d’une partie condamnée par défaut (art. 346 C.p.c.)

Certainement la situation la plus fréquente en pratique, la partie20 condamnée par défaut21 de répondre à l’assignation (art. 145, al. 2), de participer à la conférence de gestion (art. 153) ou de contester au fond (art. 170) peut, si elle a été empêchée de se défendre, par surprise, par fraude, évidente mauvaise foi, ou par une autre cause jugée suffisante, demander que le jugement, de première instance ou d’appel, ou celui d’un juge unique de la Cour d’appel, soit rétracté, et la demande originaire rejetée (art. 346).

À titre d’illustrations sommaires tirées de la jurisprudence précitée, qui même si elle a été rendue sous l’égide de l’ancien Code de procédure civile, risque de continuer de s’appliquer vu la similitude des termes utilisés par le Code de procédure civile, d’une part, la « surprise » ou la « fraude » peuvent résulter de manœuvres d’un avocat qui ne respecte pas la parole donnée de consentir un délai additionnel pour répondre à l’assignation ou contester au fond et qui inscrit pour jugement par défaut devant le greffier spécial ou le tribunal. La surprise peut aussi résulter de la décision d’un juge de trancher le fond du litige alors qu’il n’est saisi que d’une demande en irrecevabilité. D’autre part, l’erreur d’un avocat qui a omis de répondre à l’assignation, de participer à la conférence de gestion ou de contester au fond dans le délai légal, sans demander la prorogation consensuelle ou judiciaire de ce délai, avant jugement rendu par défaut contre son client défendeur, ou une irrégularité de signification de la demande introductive d’instance, ou l’impossibilité d’agir ou de communiquer du défendeur dans le délai légal, en raison de son état ou de son éloignement, à l’époque pertinente à l’instance, peuvent constituer, selon les circonstances laissées à l’appréciation du tribunal, une « cause jugée suffisante » de rétractation de jugement.

L’application de cette notion de « cause jugée suffisante » fait l’objet d’une controverse jurisprudentielle depuis plusieurs années relativement à l’erreur ou à la négligence de l’avocat, en l’absence ou non de négligence de la partie elle-même.

Un courant de jurisprudence considère que l’arrêt Cité de Pont-Viau c. Gauthier Mfg. Ltd., qui concerne l’erreur d’un avocat, est applicable seulement en matière de prorogation du délai de rétractation (art. 347 et 84 C.p.c.) et d’appel (art. 363 C.p.c.), et inapplicable à titre de « cause jugée suffisante » de rétractation de jugement (art. 346 C.p.c.) :

« […] en matière de rétractation, l’arrêt de la Cour suprême fait jurisprudence au sujet de la prorogation des délais relatifs à la réception [ancienne notion prévue au Code de procédure civile] d’une requête [devenu un « pourvoi »] en rétractation de jugement, non pas quant à la détermination des motifs de rétractation; d’autant plus que, relativement à l’exercice de la discrétion elle-même que mentionne l’article 523 C.p.c. [devenu l’article 363 C.p.c.], l’arrêt n’a de portée qu’à titre d’exemple.

Il ne faut pas confondre formalisme et procédure : celle-ci est essentielle à la marche ordonnée des instances. Le principe de l’irrévocabilité des jugements est nécessaire à une saine administration de la justice, d’où le sérieux que doivent avoir les motifs de rétractation. La procédure doit contribuer à la protection des droits des deux parties et la remise en question des décisions doit demeurer l’exception et ne pas devenir la règle. Je ne crois pas que la négligence de l’avocat puisse être acceptée comme motif de rétractation, dans la présente affaire, sans créer une jurisprudence qui risque d’ouvrir la porte à l’arbitraire et de faire supporter, trop souvent, par la partie adverse et par les autres justiciables qui ont droit d’être entendus, le préjudice résultant des délais ainsi causés. Peut-être y a-t-il lieu de rappeler le vieux dicton des tribunaux anglais : « justice delayed… justice denied ». »

La jurisprudence a établi une distinction entre l’erreur procédurale et la négligence grossière d’un avocat.

Une simple erreur de l’avocat, sans négligence, telle une absence lors d’une audition résultant de son inexpérience, de malentendus ou d’inadvertance, a été considérée comme une cause suffisante de rétractation, pour la sauvegarde du droit fondamental du justiciable d’être entendu (art. 17 C.p.c.), par une interprétation de l’article 346 C.p.c., inspirée par la philosophie « remédiatrice » de l’article 25 C.p.c., et en l’absence d’injustice grave causée à la partie adverse. En revanche, « ne constitue pas un motif suffisant de rétractation, la négligence de se présenter ponctuellement à la cour ou en cas d’absence, de ne pas aviser soit la cour elle-même ou l’avocat de la partie adverse ».

La négligence, le manque de diligence ou l’incompétence de l’avocat ont cependant été acceptés exceptionnellement comme « cause jugée suffisante » de rétractation, en présence d’une conduite et d’une diligence irréprochables de la partie elle-même, en s’inspirant des principes énoncés dans les arrêts de principe de la Cour suprême et de la Cour d’appel.

Un mauvais choix stratégique de l’avocat de ne pas faire entendre des témoins lors de l’enquête, avec l’accord de ses clients, découlant d’une évaluation erronée de la preuve de la partie adverse, ne donne pas ouverture à la rétractation d’un jugement, qui ne peut viser à fournir à une partie une deuxième occasion de plaider sa cause.

Cependant, l’incompréhension par la partie requérante des conséquences de son défaut de répondre à l’assignation ou la négligence de la partie requérante elle-même n’est pas acceptée comme « cause jugée suffisante » de rétractation de jugement. Le fait que le vice-président aux réclamations d’une personne morale ait cru, à tort, que ses avocats avaient répondu à l’assignation, menant à une fausse sécurité du préposé de la partie condamnée, a été toutefois considéré comme un motif valable de rétractation de jugement.

En somme, l’application de la règle de l’article 346 C.p.c. met en cause le principe énoncé à l’article 17 C.p.c., « principe fondamental basé sur l’équité naturelle et dont l’inobservance détruit la compétence du tribunal et entraîne la nullité de toutes les procédures subséquentes, y compris le jugement ». Dans cet esprit, les tribunaux sont appelés à appliquer la règle de l’article 346 en exerçant leur discrétion judiciaire dans les circonstances de chaque cas d’espèce.

D- La coexistence de la rétractation de jugement en vertu de l’article 346 C.p.c. et de l’appel

La partie condamnée par défaut de répondre à l’assignation, de participer à la conférence de gestion ou de contester au fond peut donc, si elle a été empêchée de produire sa défense par fraude, par surprise, ou par une autre cause jugée suffisante, demander que le jugement soit rétracté, et la demande originaire rejetée (art. 346, al. 1), en procédant en la manière et dans les délais prévus par la loi (art. 346, al. 2 et 347). Elle conserve cependant le droit d’interjeter appel, selon les règles régissant le droit d’appel (art. 30) et les règles de procédure qui s’y appliquent (art. 351 à 390).

La partie condamnée par défaut doit cependant choisir entre le pourvoi en rétractation du jugement et le pourvoi en appel, particulièrement lorsque les deux recours reposent sur les mêmes moyens.

E- Le déroulement de la procédure de rétractation de jugement à la demande d’une partie (art. 347 et 348 C.p.c.)

La procédure de rétractation de jugement à la demande d’une partie, fondée sur les articles 345 ou 346, comprend les étapes de la vérification de la suffisance du motif invoqué (art. 348, al. 1) et de l’adjudication finale sur la demande originaire (art. 348, al. 1).

1. Le pourvoi

La partie qui demande la rétractation d’un jugement pour l’un des motifs prévus aux articles 345 ou 346 doit préparer un pourvoi qui se présente comme s’il s’agissait d’une demande en cours d’instance (art. 101 et 347) qui doit préciser les motifs de rétractation invoqués, soit l’un de ceux de l’article 345 ou 346 (le rescindant), mais aussi, dans les cas de l’article 346, les moyens de défense à la demande originaire (le rescisoire) (art. 346, al. 2). À cet égard, la jurisprudence sous le Code de procédure civile a établi l’insuffisance du pourvoi en rétractation de jugement qui se contente d’énoncer que le défendeur a une « défense utile à faire valoir ». Le défendeur a l’obligation prescrite par la loi (art. 346, al. 2) d’« articuler ses moyens de défense à l’action ». Toutefois, il n’est pas obligé de produire sa défense dans un acte distinct de procédure.

Ce pourvoi doit être appuyé d’un serment (art. 101, al. 3). Les pièces doivent être communiquées dans les plus brefs délais (art. 252). Les règles de rédaction des actes de procédure s’appliquent, principalement les articles 9 à 13 et 47 du Règlement de la Cour du Québec (R.C.Q.). À l’étape de la vérification de la suffisance des motifs invoqués, le serment atteste la véracité des faits allégués dans le pourvoi, et il constitue, selon un jugement majoritaire de la Cour d’appel, une partie de la preuve que le tribunal doit apprécier, à la deuxième étape, lors de l’examen au fond des motifs de rétractation. Un tel serment donne ouverture à un interrogatoire (art. 105, al. 3 C.p.c.; art. 35 et 50 R.C.Q.), qui peut notamment conduire au rejet, sur demande, de la défense frivole contenue dans le pourvoi en rétractation de jugement fondée sur l’article 346, et peut en conséquence, comme nous le verrons, entraîner le refus du tribunal de déclarer que le motif invoqué est suffisant (art. 348). À la première étape du déroulement de la procédure, le pourvoi et le serment doivent être accompagnés d’un avis de présentation55 (art. 107, al. 2) précisant la date et le lieu de sa présentation devant le tribunal où le jugement a été rendu (art. 348) pour vérification de la suffisance du motif invoqué (art. 348)

2.La signification et la présentation du pourvoi

Le pourvoi doit être signifié (art. 139, al. 2 (5) et 347) à toutes les parties à l’instance, sous peine de nullité, non pas absolue, mais relative, c’est-à-dire qui peut être corrigée (art. 25).

Le pourvoi peut être signifié à la partie elle-même ou à son avocat57. Il doit être signifié dans les 30 jours, à compter, selon le cas, du jour où la partie a acquis connaissance du jugement, ou du jour où est disparue la cause qui l’empêchait de produire sa défense et en plus pour les cas de l’article 345, du jour où elle a acquis connaissance de la preuve ou du fait donnant ouverture à la rétractation ou, s’agissant d’un mineur, à compter de la notification du jugement faite depuis qu’il a atteint sa majorité (art. 347, al. 1).

Le pourvoi doit être présenté dans les 30 jours suivant la signification mais il ne peut plus l’être s’il s’est écoulé plus de 6 mois depuis le jugement (art. 347, al. 2).

Ces délais de 30 jours et de 6 mois sont de rigueur (art. 347, al. 3)61 et peuvent être considérés comme des délais « strict » et d’ordre public.

Le tribunal peut néanmoins, dans l’exercice de sa discrétion judiciaire qui lui permet d’apprécier selon les circonstances, le caractère raisonnable des délais, sur demande, relever des conséquences de son retard la partie qui démontre qu’elle a été, en fait, dans l’impossibilité d’agir plus tôt (art. 84)64. Selon la Cour suprême, « en choisissant le critère de l’impossibilité « en fait », le législateur a voulu indiquer que « l’impossibilité doit s’apprécier concrètement, en dehors de toute fiction », et qu’elle « doit s’apprécier du point de vue de celui qui aura à supporter les conséquences de la forclusion s’il n’en est pas relevé; […] il n’est pas nécessaire que la partie démontre qu’elle a été empêchée d’agir par un obstacle invincible et indépendant de sa volonté : il lui suffit d’établir une impossibilité de fait, relative ». Il sera intéressant de suivre la position des tribunaux eu égard au fait qu’une partie pourrait respecter les délais de rigueur de signification et de présentation de 30 jours mais pas le délai de rigueur de six mois depuis que le jugement a été rendu; dans ce cas, exigera-t-on la preuve de l’impossibilité d’agir plus tôt de l’article 84 et donc des allégations à ce sujet?

3.La vérification de la suffisance du motif invoqué dans le pourvoi

À l’étape de la vérification de la suffisance du motif invoqué dans le pourvoi, le tribunal (art. 347 et 348) ou le juge (art. 68), exerçant un pouvoir judiciaire discrétionnaire, examine si le pourvoi a été signifié et présenté dans les délais de rigueur. Le juge ou le tribunal peut à cette fin prendre en considération non seulement les allégations du pourvoi, mais l’ensemble du dossier et des pièces, et notamment une déposition recueillie lors d’un interrogatoire sur serment (art. 222) produit au soutien du pourvoi. Si le pourvoi présente un motif suffisant de rétractation et si, dans les cas de l’article 346, elle contient des moyens de défense, le juge ou le tribunal indiquera que le motif invoqué est suffisant, ce qui aura pour effet de remettre les parties en l’état et de suspendre l’exécution du jugement et dans une deuxième étape, de poursuivre l’instance après avoir convenu d’un nouveau protocole de l’instance.

Le juge n’a pas, à cette étape de la vérification de la suffisance du motif invoqué (art. 348, al. 1), à statuer sur le fond de la demande originaire, à moins que les circonstances s’y prêtent (art. 348, al. 2).

Dans le cas particulier d’un pourvoi fondé sur l’article 345, al. 2, (4), soit la découverte d’une preuve nouvelle, le juge ou le tribunal saisi du pourvoi, à l’étape de la vérification de la suffisance du motif invoqué, doit non seulement se demander s’il s’agit d’une preuve nouvelle (art. 345, al. 2 (4)), mais il doit aussi se prononcer sur l’effet d’une telle preuve nouvelle sur le jugement rendu, avant de se prononcer sur la suffisance du motif invoqué.

Le jugement statuant que le motif invoqué est suffisant permet simplement à la procédure de rétractation de se poursuivre en vue de la deuxième étape, l’adjudication finale.

Le jugement statuant que le motif invoqué est insuffisant, serait appelable, à titre de jugement mettant fin à une instance, au sens de l’article 30, avec ou sans permission, selon les circonstances.

4.L’effet de statuer que le motif invoqué est suffisant sur le dossier et sur l’exécution du jugement

La simple signification du pourvoi en rétractation ne remet pas les parties en l’état (comme si le jugement n’avait pas été rendu) ni ne suspend l’exécution du jugement (art. 350, al. 1); c’est le jugement statuant que le motif invoqué est suffisant qui remet les parties en l’état et suspend l’exécution du jugement faisant l’objet du pourvoi en rétractation, à compter de sa date (art. 348, al. 1).

L’huissier chargé d’exécuter le jugement est tenu de surseoir à l’exécution dès la notification du pourvoi en rétractation et de l’ordre de surseoir, sauf pour les mesures conservatoires (art. 350, al. 2).

En cas d’urgence, le tribunal ou un juge exerçant en son cabinet (art. 68 et 69, al. 2) peut, avant de statuer sur la suffisance du motif invoqué, sans préavis à la partie adverse, ordonner la suspension de l’exécution du jugement (art. 350, al. 1).

5.La décision finale sur le pourvoi en rétractation

Si le motif invoqué à l’appui du pourvoi formé en vertu des articles 345 ou 346 est jugé suffisant, les parties sont remises en l’état, le tribunal suspend l’exécution du jugement et l’instance originaire est continuée après qu’un nouveau protocole de gestion de l’instance ait été convenu (art. 348, al. 1).

Si les circonstances s’y prêtent, le tribunal peut se prononcer en même temps sur le pourvoi en rétractation et sur la demande originaire (art. 348, al. 2).

Ainsi, le demandeur peut interroger au préalable (art. 221 et 226) pour la portion de la défense contenue dans le rescisoire du pourvoi en rétractation de jugement et de façon générale les parties pourront faire tout ce qui est prévu dans le nouveau protocole de l’instance (art. 348, al. 1). Après l’inscription (art. 173 et 174), l’affaire sera instruite (art. 265) à la date prévue, après avis d’audition (art. 178).

Un jugement mettant fin à l’instance est rendu, accueillant ou rejetant le pourvoi en rétractation et accueillant ou rejetant l’instance originaire du demandeur contre le défendeur.

F- De la rétractation de jugement à la demande d’un tiers

  1. Les motifs du pourvoi à la demande d’un tiers

Toute personne dont les intérêts sont touchés par un jugement rendu dans une première instance ou une instance d’appel81, même en matière de protection de la jeunesse, où ni elle ni ses représentants n’ont été appelés, soit comme défenderesse ou mise en cause, peut, à la condition qu’elle n’ait pas négligé d’intervenir en temps utile dans l’instance pour protéger ses droits, qu’elle n’ait pas renoncé à agir ou n’ait pas été forclose de le faire, et, sans être liée par le délai de rigueur prévu à l’article 347, mais à la condition d’agir dans un délai de six mois suivant la date de connaissance du jugement, sauf dans les cas relatifs aux droits de la personnalité, à l’état ou la capacité des personnes (art. 349, al. 2); et pour autant qu’il préjudicie à ses droits (art. 349).

Cette règle (art. 349) constitue l’application du principe fondamental exprimé par l’article 17, soit le droit d’une personne d’être entendue ou dûment appelée, avant que le tribunal ne dispose de ses droits par jugement.

Le pourvoi en rétractation à la demande d’un tiers n’est cependant pas assimilable à un appel, et le tribunal qui est saisi d’un pourvoi en rétractation par un tiers n’a pas les pouvoirs d’une cour d’appel. Il ne peut par conséquent réviser les motifs du premier juge et ne peut agir que dans les limites de l’article 349, soit rétracter le jugement affectant les intérêts du tiers, dans la mesure où il préjudicie à ses droits.

Selon la Cour supérieure, un tel pourvoi en rétractation de jugement pourrait être introduit par un tiers devant le tribunal de première instance qui a rendu le jugement, même si ce jugement est pendant en appel, sans la nécessité d’une intervention de ce tiers en appel (art. 378).

  1. La procédure
  1. a) Le pourvoi

Le pourvoi en rétractation à la demande d’un tiers est formé par demande au tribunal qui a rendu le jugement affectant les intérêts du tiers (art. 349, al. 1). Ce pourvoi n’a pas à être présenté pour vérification de la suffisance du motif invoqué. Il est introduit comme une demande introductive d’instance ordinaire (art. 349, al. 1) du tiers dirigée contre les parties à l’instance originaire au terme de laquelle un jugement a été rendu. Cette demande emprunte la forme de la demande introductive d’instance de l’article 100.

  1. b) La signification du pourvoi en rétractation à la demande d’un tiers

Le pourvoi doit être signifié à toutes les parties visées par le jugement dans l’instance originaire, ou, si elle est faite dans le délai d’une année à compter du jugement, aux avocats qui les représentaient dans l’instance (art. 349, al. 2). Une instance nouvelle s’engage alors entre le tiers et les parties à l’instance originaire qui reçoivent signification du pourvoi à la demande du tiers.

  1. c) La suspension de l’exécution

Tout comme la rétractation à la demande d’une partie, le pourvoi en rétractation ne suspend pas l’exécution du jugement dont la rétractation est recherchée par le fait de son introduction, à moins que le tribunal (art. 350, al. 1) ou un juge (art. 68) ne l’ordonne dans l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire, en évaluant la prépondérance des inconvénients à l’égard de chacune des parties et en évitant de créer une situation irrémédiable. La décision du juge ne porte alors que sur la demande de suspension et non sur la formation ou la recevabilité du pourvoi en rétractation à la demande du tiers. Cette compétence du juge ne vaut que pour surseoir à l’exécution du jugement attaqué et rendu par sa propre cour, et non pas durant l’instance d’appel. En cas d’urgence, cette suspension peut être obtenue sans préavis (art. 350, al. 1).

Cet ordre de suspension d’exécution du jugement dont la rétractation est recherchée est une mesure conservatoire tendant à préserver l’existence des droits des uns, avant que ne soient confirmés les droits des autres, si tel doit être le cas. Une suspension d’exécution ordonnée par un juge dans le cadre du pourvoi en rétractation de jugement n’a pas toutefois pour effet d’effacer totalement de façon temporaire les effets du jugement rendu. Ainsi, les parties ne sont pas replacées dans l’état où elles étaient avant que soit prononcé le jugement qui fait l’objet du pourvoi en rétractation.

  1. d) Le déroulement du pourvoi en rétractation à la demande d’un tiers

Le pourvoi en rétractation à la demande d’un tiers, étant introductif d’instance, se déroule conformément aux règles ordinaires applicables en première instance (art. 141 et suivants), sous réserve des règles particulières à la conduite de certaines matières civiles visées au Livre V (matière de droit des personnes, matières familiales, les matières concernant les successions, biens, sûretés et preuve et les demandes concernant le droit international privé) et aux voies procédurales particulières prévues au livre VI (l’injonction, la saisie avant jugement, le séquestre judiciaire, les autorisations, approbations et homologations, le pourvoi en contrôle judiciaire, le recouvrement des petites créances, l’action collective, la médiation et l’arbitrage).

G- Les motifs de rétractation, à la demande d’une partie condamnée par défaut, dans le cas prévu à l’article 495 C.p.c.

Lorsqu’une demande introductive d’instance a été transmise dans un État étranger pour y être notifiée conformément à l’un des modes admis par le droit de cet État pour la notification sur son territoire des actes venant de l’étranger mais qu’aucun procès-verbal n’a été reçu dans les six mois, un jugement peut néanmoins être rendu (art. 495) et ce jugement ne peut être rétracté, à la demande de la partie condamnée par défaut de répondre à l’assignation ou de contester au fond présentée dans l’année de la date du jugement, que si celle-ci démontre que, sans qu’il y ait eu faute de sa part, elle n’a pas eu connaissance de la procédure en temps utile pour se défendre ni pour exercer un recours à l’encontre de la décision et que ses moyens de défense n’apparaissent pas dénués de tout fondement (art. 495, al. 2). (1)

(1) Me Arnaud Fraticelli, Collection de droit du Barreau 2016-2017

__________________________________

 

Contactez-nous pour de plus amples informations: Tel: 514-898-4029  Courriel: malacombe@LacombeAvocats.ca

Share Button
Étiquettes : ,