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Étude comparative: Fiducies vs. Trusts

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INTRODUCTION

Malgré le fait que la fiducie doit son existence  essentiellement à des principes de la common law, elle est autonome en soi et elle dépendra rarement de sa source d’inspiration afin de se procurer des règles relatives à son fonctionnement. La pertinence de la comparaison entre la fiducie et le trust est donc très limitée dans la mesure où les principes s’appliquant à l’un ne sont pas nécessairement applicables à l’autre et vice-versa. Par ailleurs, étant des entités autonomes et distinctes, on ne peut utiliser des interprétations de la common law afin d’éclairer des questionnements relatifs à la fiducie. Entendu qu’une étude comparative a peu d’utilité en l’espèce nous proposons donc une étude plutôt distinctive entre les deux concepts.

Le présent essai à comme objectif d’établir les différences les plus marquantes entre ces deux institutions car certaines dissemblances peuvent avoir un impact considérable, notamment, au niveau fiscal. L’élaboration des lois fiscales fédérales a historiquement toujours été basée sur la common law. À l’appui de ce constat, on peut penser au délai de 21 ans servant à présumer une disposition fiscale des biens de la fiducie[1], qui correspond à une référence directe au délai prévu dans le cadre des règles de non perpétuité des fiducies de common law.[2]

Dans un premier temps nous brosserons brièvement le portrait de la fiducie du Code Civil du Québec[3] et du trust en common law. Dans un deuxième temps nous identifierons les distinctions les plus importantes entre les deux véhicules juridiques et déterminerons les effets fiscaux causés par leurs différences.

Nous considérons que cette analyse s’inscrit forcément avec les compétences acquises dans le cadre des autres cours du diplôme de deuxième cycle de common law et de droit transnational. Cette recherche considère plusieurs principes propres à la common law principalement en matière de Law of Trust. Les notions enseignées lors du cours sur les trusts ont eu une foction indispensable aux fins de notre analyse.

1- PREMIÈRE PARTIE

1.1 Fiducie de droit civil

1.1.1 La nature de la fiducie

La fiducie est un patrimoine d’affectation reconnu par le code civil, elle résulte d’un acte par lequel une personne, le constituant, transfert de son patrimoine à un autre patrimoine qu’il constitue, des biens qu’il affecte à une fin particulière et qu’un fiduciaire s’oblige, par le fait de son acceptation, à détenir et à administrer.[4] L’utilisation du terme «acte» suppose que la fiducie ne peut être établie que dans un écrit, donc la fiducie verbale, même expresse, ne saurait être admise en droit québécois. Les règles relatives à l’acte constitutif nous permettent d’écarter du droit civil des fiducies les mécanismes de common law tels que le implied  trust et la déclaration unilatérale de trust. De sorte que ni les implied trust résultant de l’intention présumée, ni les resulting trust et contructive trust ne seraient visés par les dispositions du Code en matière de fiducie.[5]

Le patrimoine fiduciaire, formé des biens transférés en fiducie, constitue un patrimoine d’affectation autonome et distinct de celui du constituant, du fiduciaire ou du bénéficiaire, sur lequel aucun d’entre eux n’a de droit réel.[6] En vertu des nouvelles dispositions du C.C.Q. la présence d’un bénéficiaire n’est plus indispensable à la constitution d’une fiducie, dont la justification et la raison d’être seront dorénavant l’affectation des biens plutôt que le simple avantage accordé à une personne.  Ce patrimoine d’affectation peut donc être utilisé à plusieurs fins, notamment, pour planifier sa succession, pour scinder son revenu et pour protéger des actifs, dans ce dernier cas le niveau de protection offert est corrélatif avec les droits et intérêts que le constituant transfert relativement aux biens.

 1.1.2 La création de la fiducie

La fiducie est établie par contrat, à titre onéreux ou gratuit, par testament ou, dans certains cas, par la loi. Elle peut aussi, lorsque la loi l’autorise, être établie par jugement.[7] La fiducie est constituée dès l’acceptation du fiduciaire ou, s’ils sont plusieurs, de l’un d’eux. Lorsque la fiducie est établie par testament, les effets de l’acceptation rétroagissent au jour du décès.[8]

L’acceptation de la fiducie dessaisit le constituant des biens, charge le fiduciaire de veiller à leur affectation et à l’administration du patrimoine fiduciaire et suffit pour rendre certain le droit du bénéficiaire.[9] Sous réserve de quelques exceptions, seule l’acceptation du fiduciaire est nécessaire quant à la création de la fiducie, aucune autre formalité n’est requise.

Selon l’analyse de cette disposition par la Cour Suprême, il y a trois éléments nécessaires à la constitution d’une fiducie, soit le transfert de biens du patrimoine d’une personne à un patrimoine d’affectation, l’affectation des biens à une fin particulière et l’acceptation par un fiduciaire.[10]

1.1.3 L’administration de la fiducie

Contrairement à la common law, le droit civil prévoit que le constituant ou le bénéficiaire peut être fiduciaire, mais il doit agir conjointement avec un fiduciaire qui n’est ni constituant ni bénéficiaire.[11] Toutefois, il est possible d’outrepasser l’exigence du législateur, par une pratique contractuelle couramment utilisée dans le milieu qui requiert que le fiduciaire signe une lettre de démission non datée avant son entrée en poste. Ce procédé incite le fiduciaire à suivre les directives du constituant ou du bénéficiaire car dans l’éventualité où les instructions ne seraient pas respectées, le constituant ou le bénéficiaire n’aurait qu’à déposer la lettre de démission et le fiduciaire serait dès lors hors fonction.

Le constituant peut désigner un ou plusieurs fiduciaires ou pourvoir au mode de leur désignation ou de leur remplacement.[12] Le fiduciaire a la maîtrise et l’administration exclusive du patrimoine fiduciaire et les titres relatifs aux biens qui le compose sont établis à son nom; il exerce tous les droits afférents au patrimoine et peut prendre toute mesure propre à en assurer l’affectation. Il agit à titre d’administrateur du bien d’autrui chargé de la pleine administration [13]

1.1.4 Modification et extinction de la fiducie

La procédure de modification de la fiducie est plutôt simpliste, elle s’opère via le véhicule procédural habituel, soit la requête au tribunal. Le consentement des parties intéressées n’est pas requis, un simple avis est suffisant. En effet le code civil prévoit qu’il doit être donné avis de la demande au constituant et au fiduciaire et, le cas échéant, au bénéficiaire, au liquidateur de la succession du constituant ou aux héritiers et à toute autre personne ou organisme désigné par la loi, si la fiducie est soumise à leur surveillance.[14]

La fiducie peut s’éteindre de plusieurs façons, elle prend fin par la renonciation ou la caducité du droit de tous les bénéficiaires, tant du capital que des fruits et revenus. Elle prend fin également par l’arrivée du terme ou l’avènement de la condition, par le fait que le but de la fiducie a été atteint ou par l’impossibilité, constatée par le tribunal, de l’atteindre.[15]

1.2 Trust de common law

1.2.1 La nature

Le trust est la relation en vertu de laquelle le constituant du Trust (settlor) transfert la propriété des certains biens à une personne physique ou morale (le trustee) qui détient le titre de propriété sur un certain actif (l’actif du Trust) mais est tenu par une obligation fiduciaire d’exercer ses prérogatives au seul bénéfice d’une ou plusieurs personnes physiques ou morales (le beneficiary) qui détient le titre en equity. Le bénéficiaire, qui détient le titre équitable, peut intenter un recours contre le fiduciaire (trustee) afin qu’il respect l’acte constitutif de la fiducie et son devoir fiduciaire (fiduciary duty), mais il ne peut intervenir dans l’administration car ce domaine est du ressort exclusif du fiduciaire.

1.2.2 La création

Un trust est un instrument juridique servant principalement à détenir un droit quelconque de propriété. Lorsque le trust est créé intentionnellement, on le qualifie de express trust (fiducie expresse). Un trust peut également résulter judiciairement, par opération de la loi ou par fiction juridique, sans volonté intentionnelle du constituant. Le resulting trust est celui qui est présumé par la cour, il est limité à certains types de propriété. Par ailleurs, afin de palier à un préjudice et de contrer un enrichissement injustifié, le tribunal peut également imposer un trust, dans ce cas on prescrit un constructive trust.

Les critères de création du express trust, s’harmonisent avec les principes relatifs à la création de la fiducie. La common law propose quatre caractéristiques afférentes à la constitution d’une fiducie expresse: le constituant doit avoir la capacité légal; les trois certitudes doivent être rencontrées soit d’intention; de sujet et d’objet.  Le trust doit être constitué par le transfert de propriété au fiduciaire et finalement; les formalités requises doivent remplies.[16]

1.2.3 L’administration

Tel qu’en droit civil, la pierre angulaire de l’administration du trust est le fiduciaire (trustee). Mais il est important de souligner à cette étape que contrairement au droit québécois, qui requière que le constituant doit agir conjointement avec un fiduciaire, en common law il est possible que le settlor se nomme lui-même comme trustee sans devoir être assisté pour administrer le trust. Cette situation est plutôt fréquente en matière de fiducies d’affectation personnelle, dans ces cas, règle générale, le constituant est également le bénéficiaire.

La faculté d’administrer du trustee est circonscrite par trois sources différentes: l’acte constitutif du trust; les règles générales relatives aux trusts; et les lois particulières pertinentes en l’espèce, dont les trustees acts de chaque juridictions.[17] L’obligation première du fiduciaire demeure néanmoins le respect de l’acte constitutif, il doit accomplir cette tache de manière à rencontrer son fiduciary duty.[18]

Malgré la latitude conférée au trustee le settlor peut malgré tout conserver un certain pouvoir de surveillance quant à l’administration de la fiducie. Premièrement, le constituant peut faire par de spécifications relatives au mode d’opération par le biais de «letter of wishes» qui n’ont par contre aucun effet légal. Par ailleurs, contrairement au droit civil il est possible de nommer une personne morale, autre qu’une société de fiducie, comme trustee. Cette prérogative permet au settlor de nommer un protector, souvent utilisé pour des trusts «offshore», élection permettra à l’acte constitutif de requérir de la part du trustee le consentement du protector pour les décisions cruciales.

1.2.5 La modification et l’extinction

Le devoir de se conformer aux termes du trust interdit au trustee de modifier la mission qui lui a été assignée. Seuls les bénéficiaires peuvent opérer des changements sous certaines conditions. Ce peut être également le fait d’une juridiction compétente lorsque certaines circonstances sont réunies. Lorsque les bénéficiaires jouissent de la pleine capacité et ont un droit absolu sur les biens du trust, ils peuvent en réclamer le transfert à leur profit personnel. Ce droit des bénéficiaires doit être définitif et indéfectible.[19] Ainsi, dans l’arrêt Saunders v. Vautier[20], un testateur avait légué des actions en trust pour que les dividendes s’accumulent jusqu’à ce que V. atteigne l’âge de 25 ans et qu’ensuite le capital et les dividendes accumulés soient transférés à V. V. ayant atteint l’âge de 21 ans (la majorité), il demanda que les fonds lui soient transférés. Il fut soutenu qu’il avait un droit acquis et étant donné que l’accumulation et le paiement différé n’avaient été institués que pour son bénéfice seul, il pouvait y renoncer et demander un transfert immédiat du fonds.

A priori les trusts ne pouvaient être modifiés mais les tribunaux ont succombé à la pression provenant principalement du fait que leur manque de flexibilité était préjudiciable dans un système fiscal imprévisible. Pour palier à cette problématique et afin d’harmoniser les décisions relatives aux modifications, la majorité des juridictions de common law ont adopté des Variation of Trusts Act. Sans rentrer dans les particularités de chacune de ces législations, il semble suffisant en l’espèce de souligner que l’objectif de ces lois est de prendre en considération les intérêts de la personne pour laquelle la cour vient suppléer consentement, qui est généralement le bénéficiaire. Par ailleurs, afin d’adjuger une modification doit être convaincue du  «justifiable character of the entire plan».

Quant à la révocation du trust, il est possible pour le settlor de conserver cette prérogative en le prévoyant explicitement à l’acte constitutif. Un bémol important doit être mentionné  suivant ce mécanisme instauré par le constituant, selon Revenu Canada, le fait de maintenir un droit de révocation au bénéfice du settlor oblige ce dernier à inclure les revenus du trust dans sa propre déclaration car il n’y a pas eu opération d’une dévolution irrévocable “vested indefeasibly” [21]

Finalement, le trust peut prendre fin pour les mêmes motifs que la fiducie soit : par la renonciation voir Saunders v. Vautier [22] ou la caducité du droit de tous les bénéficiaires, par l’arrivée du terme ou l’avènement de la condition, par le fait que le but de la fiducie a été atteint ou par l’impossibilité de l’atteindre.

 2- DEUXIÈME PARTIE

2.1 Différences conceptuelles

A cette étape, nous nous attarderons principalement sur cinq distinctions, entre la fiducie de droit civil et le trust issue de la common law, qui semblent avoir un impact sur le plan fiscal : la nature de l’instrument, le cumul des fonctions de constituant de fiduciaire et de bénéficiaire, le pouvoir d’élire des bénéficiaires, la modification ou liquidation de la fiducie  et l’existence du  constructive Trust uniquement dans le régime anglais.

2.1.1 La nature de la fiducie

Premièrement, dans le système anglo-saxon, il existe une dualité de propriétaires pour un bien détenu en Trust, le beneficiary détient  le titre en equity et le trustee possède le titre légal  contrairement au patrimoine fiduciaire de droit civil sur lequel personne n’a de droit de propriété.  Le trustee n’acquiert que le titre en common law du bien que lui cède le settlor, mais il demeure le véritable propriétaire en common law des biens du trust.

La dualité de la propriété telle qu’elle est connue en common law n’existe pas en droit civil. Le fiduciaire ne devient jamais le propriétaire du bien, même si le titre de propriété est établi en son nom, ès qualités de fiduciaire, il demeure un administrateur des biens de la fiducie.[23]

2.1.2 Le cumul des fonctions

Le cumul des rôles n’est pas permis par le Code civil du Québec, puisque l’article 1275 C.c.Q. exige qu’un autre fiduciaire, n’étant pas bénéficiaire ou constituant, soit nommé. Bien que cette différence nécessite de faire intervenir un fiduciaire de plus à la fiducie, alors qu’en common law ce n’est pas nécessaire, celle-ci ne résulte généralement pas en une distinction de traitement fiscal au Québec.[24]. De surcroît, on pourrait, en droit civil, arriver à un résultat similaire en utilisant la substitution[25], assimilée en droit fiscal à une fiducie, et qui permet de ne pas nommer de fiduciaire autre que le grevé pour administrer les biens.

Par ailleurs, tel que mentionné ci-dessus, il est possible d’outrepasser l’exigence du législateur québécois, par une pratique contractuelle qui requiert que le fiduciaire signe une lettre de démission non datée avant son entrée en poste. Avec ce procédé le constituant ou le bénéficiaire n’ont pas le contrôle légal de l’administration de la fiducie mais ils peuvent toutefois détenir le control effectif de l’administration de la fiducie.

2.1.3 Le pouvoir d’élire des bénéficiaires

Relativement à la faculté d’élire des bénéficiaires, la common law prévoit que le constituant peut donner au fiduciaire le pouvoir illimité d’ajouter ou de soustraire des bénéficiaires à la fiducie.  Effectivement, l’ancienne doctrine établie par l’arrêt Broadway Cottage[26], qui soutenait que tous les bénéficiaires soient déterminés d’avance ne fait plus autorité. Dans cette cause, la cour a jugé qu’en vertu du fait qu’il était impossible de faire une énumération exhaustive de tous les bénéficiaires visés par le discertionary trust, ce dernier devrait être déclaré caduque.

En effet, Mcphail v. Doulton[27] est venu renversé le courant établi par Broadway Cottage  et est venu affirmer qu’il est dorénavant seulement requis d’être en mesure de reconnaître les bénéficiaires potentiels et non de les identifier spécifiquement. Dans cette décision les juges avaient devant eux une disposition testamentaire qui prévoyait que les trustees pouvaient élire les bénéficiaires, parmi les employés et ex-employés de la compagnie du constituant selon «their absolute discretion in such amounts at such times and on such conditions (if any) as they think fit.»

Donc une incertitude relative à l’évaluation des critères de détermination sera généralement acceptée en common law par les tribunaux, par contre, une incertitude conceptuelle invalidera le Trust.

Par ailleurs, le discretionnary Trust sera valide seulement si le pouvoir transmis au trustee en est un de Trust power et non une délégation de Will making power, et nous en convenons, la distinction est plutôt mince. Le Trust power est le pouvoir discrétionnaire qui revient au fiduciaire dans l’administration de la fiducie, par contre le Will Making Power est le pouvoir d’une personne de disposer de ses biens par testament, prérogative qui est inaliénable.

Par contre, selon le Code civil, la faculté d’élire ne peut être exercée par le fiduciaire que si la catégorie de personnes parmi lesquelles ils doivent choisir le bénéficiaire est clairement déterminée dans l’acte constitutif[28]. Donc les fiduciaires nommés en vertu de l’acte constitutif de la fiducie du code civil ont moins de latitude en matière d’élection de bénificiaires.

2.1.4 La durée de la fiducie

Contrairement au droit d’usage[29], d’usufruit[30] et d’emphytéose[31], du Code civil qui ne peuvent excéder 100 ans, la fiducie peut bénéficier d’une existence éternelle. En effet, la fiducie d’utilité privé ou social jouie d’un avantage considérable par apport aux démembrements de droit de propriétés, elle  peut être perpétuelle.[32]

La situation diffère pour le trust en common law, qui doit se conformer aux  Rules Against Perpetueties. Ces regèles restringent le settlor à rencontrer certaines restrictions quant à la durée du trust. Premièrement, l’avantage attribuer par le trust doit être conféré à l’intérieur d’une intervalle équivalent à la vie du plus jeune bénéficiaire déterminable plus 21 ans. Deuxièmement, il est expressément prohibé de prévoir une durée perpétuelle. Par ailleurs, il est proscrit d’accumuler des revenus à l’intérieur du trust pendant plus de 21 ans.[33]

2.1.5  La modification et extinction

Par ailleurs, les procédures de modification et de liquidation d’une fiducie varient selon le régime applicable. Même si en principe ces modifications ou liquidations peuvent être obtenues en common law du simple consentement des bénéficiaires, elles sont toutefois soumises en général à des exigences particulières édictées par les lois provinciales (Variation of Trusts acts). La complexité engendrée par ces exigences doit alors être considérée lorsque vient le temps de comparer la common law à la procédure requise au Québec. Il sera nécessaire de saisir le tribunal pour obtenir des modifications du Trust en common law, procédure lourde et dispendieuse qui n’est pas requise en en droit civil. Le code prévoit seulement qu’il doit être donné avis de la modification au constituant et au fiduciaire et, le cas échéant, au bénéficiaire, au liquidateur de la succession du constituant ou aux héritiers et à toute autre personne ou organisme désigné par la loi, si la fiducie est soumise à leur surveillance.[34]

2.1.6 L’existence du  constructive Trust

Finalement, le Constructive Trust (fiducie par interprétation) qui naît de l’interprétation que fait un juge de common law d’une situation particulière. L’utilisation du terme «acte» à l’article 1260 du code suppose que la fiducie ne peut être établie que dans un écrit, donc la fiducie verbale, même expresse, ne saurait être admise en droit québécois. Les règles relatives à l’acte constitutif nous permettent d’écarter du droit civil des fiducies les mécanismes de common law tels que le implied (constructive) trust et la déclaration unilatérale de trust.[35]

Un contribuable québécois ne peut obtenir la création d’une telle fiducie, et par conséquent les avantages fiscaux qui en découlent. La société tacite[36] peut amoindrir l’impact préjudiciable dans une certaine mesure, cette fiction juridique peut également être invoqué dans les juridictions de common law.

Certain soutiennent qu’aucune disposition du Code civil et du Code de procédure civil n’empêche les tribunaux d’utiliser la fiducie comme mécanisme «remédiatif», fondement du constructive trust. De surcroît, l’art. 591 du C.C.Q. permet au tribunal d’ordonner la constitution d’une fiducie destinée à garantir le paiement alimentaire. Le pouvoir inhérent du tribunal lui permet-il de recourir à la fiducie en temps voulu tel que les tribunaux dans les juridictions de common law ?

Plusieurs autres distinctions peuvent être faites relativement aux fiducies et aux trusts, mais faute d’impact fiscal significatif nous les avons laissé de côté. Parmi ces autres différences nous pouvons faire référence notamment à l’interdiction, en droit civil, de nommer un fiduciaire qui est une société autre qu’une société de fiducie, l’absence du Protector, l’absence d’une jurisprudence abondante sur la fiducie et l’impossibilité d’utiliser la Declaration of Trust.[37]

2.2 Différences de traitement fiscal

2.2.1 Effet de la différence de la nature

La fiducie et le trust sont réputée être des particuliers[38] et, par conséquent, ils doivent donc produire annuellement des déclarations de revenus (T3/TP-646). Leurs différences relatives à la nature de la propriété ne confèrent donc aucun avantage indu à l’une ou l’autre des institutions. Voici deux exemples qui illustrent bien l’utilisation à des fins fiscales de la personnalité juridique distincte, de la fiducie ou du trust, conféré par la Loi  de l’impôt sur le revenu.

Une méthode de planification fiscale courante consiste à fractionner le revenu entre les membres de la famille afin d’utiliser les tranches d’imposition progressive des membres de la famille et économiser de l’impôt. Concrètement, il s’agit de transférer ou prêter certains biens à une autre personne, normalement le conjoint ou les enfants de l’auteur du transfert. Par contre, la participation des enfants à l’actionnariat pose certains problèmes quant aux droits qu’ils peuvent exercer à titre de mineurs. L’utilisation d’une fiducie discrétionnaire en faveur des enfants permet de contourner ces problèmes et laisse au fiduciaire le contrôle sur les droits que confère l’actionnariat.[39]

Un contribuable qui n’a ni conjoint, ni enfant à charge peut également bénéficié de la création d’une fiducie à des fins de fractionnement de revenu. L’exemple suivant permettra d’illustrer cette proposition : Un particulier qui a un revenu de 50 000$ paiera un impôt d’environ 13 102$, soit au taux moyen de 26,3%. Si ce revenu est imposé au niveau de la fiducie, l’impôt sera encore plus élevé puisque la fiducie ne bénéficie pas des crédits d’impôt personnels. Par contre, si les revenus sont répartis 50/50 entre le bénéficiaire et la fiducie, l’impôt du bénéficiaire sera d’environ 4255$ (17,1%) et l’impôt de la fiducie sera d’environ 7235$ (28,9%) pour un total de 11 490$ (23%). Il y aura une économie potentielle de 1611$ (3.3%) annuellement.[40]

2.2.2 Effet du pouvoir d’élire des bénéficiaires

Comme nous l’avons mentioné  précédement, en common law, le constituant peut donner au fiduciaire le pouvoir illimité d’ajouter ou de soustraire des bénéficiaires à la fiducie, ce qui n’est pas permis en droit civil. Ce point nous semble être une différence qui amène un traitement fiscal distinct entre le Québec et les autres provinces.[41]

Dans le cas d’un discretionary trust les droits du bénificiaire dépendent de la décision du fiduciaire donc l’ampleur exact de ce droit est, incertain et ne peut être, en fait, taxé aussi longtemps qu’il n’est pas certain si et combien le beneficiary recevra. En fait le beneficiary est bénéficiaire sous condition suspensive de la décision du trustee de verser l’indemnité.[42]

2.2.3 Effet de la possibilité de cumuler les fonctions

Le cumul des fonctions n’est pas permis par le Code civil du Québec, puisque l’article 1275 CcQ exige qu’un autre fiduciaire, qui n’est pas bénéficiaire ou constituant, soit nommé. Bien que cette différence nécessite l’intervention d’un fiduciaire de plus à la fiducie, contrairement à la common law, cette différence ne résulte généralement pas en un traitement fiscal différent au Québec, notamment en raison du paragraphe 75(2) LIR. Cet article prévoit, qu’en cas de fiducie simple (bare trust ou simple trust) ou dans le cas de fiducie révocable (revocable trust), que les biens détenus par ces trusts sont réputé être ceux du constituant. La possibilité de cumuler les fonctions en common law à un impact au niveau fiscale que la Loi sur l’impôt vient neutraliser.

2.2.4 Effet de l’existance du constructive trust

Comme nous l’avons mentionné précédemment, l’existence du constructive trust  est l’une des distinctions la plus marquante entre le droit civil et la common law relativement aux fiducies. Bien que des modalités puissent être proposées pour circonscrire l’effet fiscal de cette différence par un tribunal de sa juridiction, il n’en demeure pas moins qu’un résident du Québec ne peut obtenir la création d’une telle fiducie, et par conséquent les avantages fiscaux qui en découlent.

Certains résultats moins spectaculaires peuvent être obtenus par la reconnaissance, du tribunal, de l’existence d’une société tacite.[43] Cette fiction juridique peut également être invoqué dans les juridictions de common law. Par ailleurs, l’utilisation de la substitution permet quant à elle de recevoir le traitement fiscal de la fiducie sans qu’il n’y ait véritablement de fiduciaire. Cette particularité résulte justement d’un effort du gouvernement fédéral pour adapter sa loi fiscale à une institution propre au Québec, en lui appliquant les règles fiscales de la fiducie qui est un concept voisin. Le résultat est intéressant puisqu’il permet d’utiliser à nouveau le concept de substitution que les fiscalistes québécois avaient mis au rancart. Cependant, il est clair que la substitution est un concept particulier au Québec et que les avantages et inconvénients fiscaux qui en résultent ne sont pas applicables ailleurs au Canada.[44]

 CONCLUSION

Compte tenu des différences entre la fiducie de droit civil et le Trust, et des différences qui existent aussi d’une province à l’autre, en raison de leur législation respective en cette matière, certains contribuables continueront de choisir soit le droit du Québec, pour offrir par exemple aux fiduciaires plus de sécurité au chapitre de leur responsabilité personnelle, soit inversement la fiducie de common law pour permettre de se constituer soi-même fiduciaire[45] Effectivement, malgré que les constituants ne puissent pas se nommer unique fiduciaire, les règles établies par le Code civil offrent aux fiduciaires plus de sécurité que les fiducies de Common Law pour ce qui est de leur responsabilité personnelle face aux actes d’administration.

La fiducie, tout en étant un outil fort intéressant pour épargner au niveau fiscal, n’est pas pour tous. Des frais de mise en place et des frais annuels de gestion de plusieurs milliers de dollars sont souvent suffisants pour éliminer tous les avantages de la fiducie[46]

Il sera toujours exigeant d’établir, du point de vue fiscal, lequel des véhicules juridiques est avantageux par apport à l’autre car il existe peut de documentation concernant ce domaine plutôt particulier. Le fait que les ouvrages couvrant cette matière ne sont pas abondants est peut-être du au fait que peu de juriste maîtrise à la fois les concepts de droit civil, de common law et de droit fiscal, droit dans lequel les changements et les amendements législatifs sont courants.

 


[1] Loi de l’impôt sur le Revenu du Canada, 1985, ch. 1 (5e suppl.), art. 104 (4)

[2] Louise BÉLANGER-HARDY et Aline GRENON, Éléments de common law et aperçu comparatif du droit civil québécois, Carswell, 1997, 656 p., à la p. 480.

[3] L.Q. 1991, C. 64

[4] Supra, note 3, art. 1260

[5] Jacques Beaulne, Droit des fiducies, Wilson & Lafleur, 2005, p.165

[6] Supra, note 3, art. 1261

[7] Supra, note 3, art. 1262

[8] Supra, note 3, art. 1264

[9] Supra, note 3, art. 1265

[10] Banque de Nouvelle-Écosse c. Thibault, 2004 1 R.C.S. 758

[11] Supra, note 3, art. 1275

[12] Supra, note 3, art. 1276

[13] Supra, note 3, art. 1278

[14] Supra, note 3, art. 1295

[15] Supra, note 3, art. 1296

[16]Mark Gillen and Faye Woodman, The Law of Trusts:A Contextual Approach,Toronto,EdmondMontgomery, 2000

 

[17] Supra, Note 16 p. 269

[18] Ford v. Laidlaw Carriers (1993), 1 ETR (2nd) 117, at 193 (Ont. Gen. Div.)

[19] http://droitdutrust.online.fr/chapitre1_1.html

[20] [1841] 4 Beav. 115 ; Cr. et Ph. 240 ; 10 L.J. Ch. 354

[21] Supra, note 1 70(6)

[22] Supra, note 20

[23] Supra, note 3, art. 1278

[24] Supra note 1, art.75(2)

[25] Supra note 3 art. 1218 ss.

[26] [1955] Ch. 20 (CA)

[27] [1971] AC 424

[28] Supra note 3, art. 1282

[29] Supra, note 1, art. 1176, 1123

[30] Supra, note 1, art. 1123

[31] Supra, note 1, art. 1197

[32] Supra, note 1, art. 1273

[33] Supra, note 16 p. 151

[34] Supra note 3, art. 1295

[35] Supra, note 5 p.9

[36] art. 2189, 2197 et 2250 ss.

[37] http://www.ctf.ca/pdf/ctjpdf/2003ctj1_bruneau-f.pdf

[38] Supra,  note 1 art. 104 (2)

[39] http://www.avocat.qc.ca/public/iifiducie.htm#5

[40] http://www.avocat.qc.ca/public/iifiducie.htm#5

[41] Supra, note 37

[42] http://www.fisconet.fgov.be

[43] Supra, note 3 art. 2189, 2197 et 2250 ss.

[44] Supra, note 37

[45] Supra, note 37

[46] Supra, note 37

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