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La convention d’actionnaires et le transfert d’actions

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La convention entre actionnaires contient des clauses prévoyant transfert des actions de la société au cas de décès ou de départ d’un actionnaire. Ces clauses visent à offrir un marché à un prix approprié pour les actions de la société, à préserver la détention proportionnelle des actions et à permettre une certaine flexibilité en cas de dispute entre les actionnaires en évitant le recours à des moyens extrêmes telle la liquidation de la société.

Transferts entre vifs

a) La vente

La convention doit contenir une clause

prévoyant l’obligation des actionnaires d’offrir toutes leurs actions à leurs coactionnaires dans certaines circonstances. Ces circonstances seront habituellement les suivantes : l’invalidité d’un actionnaire, la faillite d’un actionnaire, la retraite fixée d’un actionnaire, le retrait volontaire d’un actionnaire, le non-respect d’une clause de non-concurrence ou de non-sollicitation ou de toute autre clause de la convention, etc. Leur réalisation déclenchera donc le mécanisme : l’offre, déjà formulée dans la clause, devient alors opérante. Une telle clause permettra en certaines circonstances d’éliminer rapidement des causes de conflits (faillite d’un actionnaire, concurrence, etc.) ou de régler à l’avance le statut d’un actionnaire au sein de la société dans le cas d’autres événements (retrait volontaire, retraite, invalidité, etc.) tout en conservant les actions à l’intérieur du groupe d’actionnaires.

La clause prévoira un prix prédéterminé pour les actions ou une façon de le déterminer, un délai dans lequel les coactionnaires devront accepter l’offre, ainsi que la mention que l’offre est faite au prorata de la détention d’actions à moins que certains ou que l’ensemble des coactionnaires refusent de se porter acquéreurs, auquel cas les autres coactionnaires pourront se porter acquéreurs des actions n’ayant pas trouvé preneur. Dans des cas de fraude ou de non-respect de la convention, une disposition pourrait obliger l’offrant à céder ses actions à escompte, sinon gratuitement.

b) L’achat

La clause obligeant les coactionnaires à acheter les actions de l’offrant doit être utilisée avec circonspection. Elle peut avoir des conséquences sérieuses pour les actionnaires qui se sont obligés, surtout lorsque les affaires de la société vont plus ou moins bien et que les actionnaires doivent faire face à des offres successives. Les circonstances pouvant justifier une clause d’achat obligatoire sont : le décès et l’invalidité (circonstances pouvant faire l’objet de polices d’assurance), le retrait forcé en raison de l’atteinte d’un âge de retraite fixé contractuellement et, dans certaines circonstances, le renvoi sans cause d’un actionnaire employé de la société.

Les actionnaires peuvent, malgré des inconvénients financiers, souhaiter une clause d’achat obligatoire afin de s’assurer un marché pour leurs actions. Dans ces circonstances, il faudrait prévoir des modalités de paiement réalistes. Ainsi, lorsque l’obligation d’acheter repose sur plusieurs actionnaires, les modalités de paiement pourront être plus rigoureuses que s’il s’agit d’une relation entre deux actionnaires égaux. De même, un actionnaire minoritaire pourrait bénéficier de termes de paiement plus échelonnés dans le temps que ceux accordés à l’actionnaire majoritaire. Enfin, l’achat obligatoire d’actions peut également être imposé à une partie seulement, en particulier dans une relation majoritaire-minoritaire : l’actionnaire majoritaire pourrait avoir seul l’obligation d’acheter, lors du départ volontaire ou forcé de l’actionnaire minoritaire.

c) Le droit de premier refus

Le droit de premier refus aussi appelé un pacte de préférence, suppose que les coactionnaires de l’offrant ne sont pas obligés d’acheter. Dans ce contexte, la clause de « premier refus » oblige l’actionnaire-vendeur à offrir ses actions à tous ses coactionnaires, au prorata de leur détention d’actions, avant de pouvoir les vendre à un tiers ou encore à l’un d’entre eux.

Le mécanisme d’achat-vente est amorcé lorsqu’un actionnaire manifeste son intention auprès de ses coactionnaires de vendre ses actions, soit en réponse à une offre reçue d’un tiers (communément appelée « offre externe »), soit en raison de sa propre volonté de se départir de ses actions (appelée « offre interne »).

d) La clause d’entraînement (« piggyback »)

Il est de la nature même de la clause de premier refus présente une lacune en ce que les actionnaires restants peuvent se voir imposer des modalités onéreuses qu’ils ne peuvent satisfaire pour de multiples raisons. Dans cette perspective, les actionnaires minoritaires, n’étant pas en mesure de satisfaire les conditions de l’offre, n’auront d’autre choix que de permettre la vente au tiers qui peut être un étranger auquel les actionnaires minoritaires ne désirent pas s’associer.

Une solution pour combler cette lacune consiste à conférer aux actionnaires minoritaires un droit d’entraînement de leurs actions à l’encontre du tiers acquéreur. Cette clause est communément appelée clause piggyback. Ainsi, les actionnaires minoritaires pourront, au lieu d’exercer leur droit de premier refus, exiger, comme condition au droit de l’actionnaire majoritaire de vendre ses actions au tiers, que ce dernier achète également les actions des minoritaires aux mêmes conditions que celles offertes à l’égard des actions de l’actionnaire majoritaire. En anglais, ce genre de clause est appelée « tag-along ».

La clause piggyback peut également être structurée de manière à permettre à l’actionnaire majoritaire d’obliger les actionnaires minoritaires à céder leurs actions aux tiers offrant. On parle alors de clause piggyback renversée ou, en anglais, « drag-along ».

La clause piggyback peut être utilisée lorsque les actionnaires minoritaires détiennent peu d’actions alors que celles-ci leur ont été émises comme moyen d’intéressement lié à un contrat d’emploi.

e) La clause « shotgun »

Une clause intéressante, surtout dans les conventions entre deux actionnaires, en vue de régler un conflit portant sur un point fondamental de la gestion de l’entreprise, est la clause dite shotgun, « boomerang », « baseball » ou « roulette russe ». Cette clause permet à tout actionnaire d’initier un processus d’achat de la participation du coactionnaire. Deux possibilités s’offrent alors au coactionnaire : soit accepter l’offre d’achat de l’offrant ou présenter une contre-offre d’achat comportant les mêmes termes et modalités que celle de l’offrant. Ce genre de clause peut, à la rigueur, être à déconseiller dans une convention liant un actionnaire majoritaire et un actionnaire minoritaire ou en cas de déséquilibre des forces financières entre les actionnaires; cependant, elle permet en de multiples circonstances de solutionner rapidement des conflits entre les actionnaires.

Généralement, la détermination du prix est laissée à la discrétion de l’initiateur. Dans d’autres circonstances, le prix sera déterminé à l’avance, mais sujet à variation afin de tenir compte de la fluctuation dans la valeur de l’entreprise.

L’utilisation d’une telle clause est rare puisque les parties s’exposent à un risque financier élevé. Ainsi, le choix du prix de vente des actions étant laissé à la discrétion de l’initiateur, celui-ci devra faire preuve de discernement pour trouver un juste équilibre. Tout dépend par conséquent de l’évaluation que l’initiateur se fait de la capacité financière du coactionnaire.

Si les parties ne désirent pas s’imposer la rigidité de cette clause, elles peuvent toujours s’en remettre à la négociation pure et simple. Si cette avenue ne permet pas de régler le conflit, alors la convention prévoira qu’il sera procédé à la liquidation de la société.

Les transferts en cas de décès

Toute convention entre actionnaires devrait contenir une clause prévoyant l’achat par les actionnaires survivants des actions de la personne qui décède. Cette clause prend la forme d’une offre sous terme suspensif, le décès étant le terme à l’arrivée duquel l’actionnaire vend à ses coactionnaires toutes ses actions alors que les coactionnaires s’engagent à les acheter à l’arrivée de ce terme, et ce, au prix déterminé dans la convention. L’offre sous terme suspensif permet d’éviter l’interprétation voulant qu’il s’agisse d’un pacte sur une succession future.

L’offre devrait être faite au prorata des actions que détiennent les actionnaires survivants. Le prix devrait être fixé en prenant en considération les incidences fiscales lorsque les coactionnaires sont des personnes liées, car le contribuable est présumé disposer de ses actions à leur juste valeur marchande immédiatement avant son décès.[1]Lorsque les actionnaires n’ont aucun lien de dépendance, les autorités fiscales accepteront généralement la valeur mentionnée à la convention.

Afin de faciliter le paiement des actions lors du décès de l’un d’entre eux, les actionnaires peuvent souscrire à des polices d’assurance-vie sur la vie de chacun, chaque actionnaire étant bénéficiaire de l’autre.  Dans l’hypothèse où les actionnaires choisissent de ne pas souscrire à des polices d’assurance-vie, les modalités de paiement pourront être échelonnées sur une période plus longue.

Les modalités d’achat des actions

Dans le cadre de clauses d’achat-vente, on peut envisager de faire acheter les actions vendues d’un actionnaire par la société, en guise d’alternative à l’achat par les autres actionnaires. Toutefois, la société, n’a le pouvoir de racheter ses actions que si elle respecte certains tests financiers prévus par la loi. Dans l’éventualité où elle doit racheter un grand nombre d’actions, cela peut épuiser ses ressources financières pendant un certain temps ou même la placer dans une situation financière précaire.

Lors d’un transfert d’actions, il est toujours pertinent de déterminer si l’achat des actions devra se faire directement entre actionnaires ou par la société. Dans le premier cas, l’excédent, le cas échéant, du prix de vente réalisé par l’actionnaire vendeur sur le prix d’acquisition sera traité comme un gain en capital. Dans le deuxième cas, l’excédent du prix d’acquisition sur le capital versé sera traité comme un dividende en faveur de l’actionnaire vendeur. Selon les avantages fiscaux que l’une ou l’autre méthode peut procurer, il est sage d’envisager d’octroyer à la partie venderesse l’option de vendre aux actionnaires restants ou à la société.

Ce type de clausese trouve généralement dans le contexte de transfert d’actions en cas de décès lorsque les actionnaires ont exigé la souscription d’une assurance-vie sur la vie de chacun d’eux. La société souscrit alors elle-même aux polices d’assurance et lors du décès de l’actionnaire, la société, bénéficiaire de la police, reçoit le produit de l’assurance libre d’impôt et procède à l’achat des actions de l’actionnaire décédé. Il sera important de faire renoncer à l’avance tous les actionnaires au versement du dividende en leur faveur dans le cas de leur décès, pour éviter qu’une partie du produit de l’assurance ne soit versée à leur succession. Lorsque certains actionnaires ne sont pas parties à la convention entre actionnaires (donc non liés par les dispositions d’achat-vente), la souscription aux polices par la société est à éviter puisque la déclaration du dividende en capital devra être effectuée en faveur de tous les actionnaires qui n’y auront pas renoncé.

Si les polices d’assurance sont directement souscrites par chacun des actionnaires sur la vie des autres actionnaires, la convention devrait prévoir, dans le cas du décès d’un actionnaire, que les actionnaires restants pourront se faire transporter par les ayants droit du défunt la police souscrite sur leur vie. Cette clause sera très utile à ces assurés si leur âge ou leur état de santé leur interdit de souscrire eux-mêmes à de l’assurance additionnelle sur leur propre vie.

Dans le cadre d’un transfert en cas de décès, les liquidités obtenues en vertu de la police d’assurance pourront être déposées auprès d’un mandataire-dépositaire jusqu’à la séance de clôture. La convention de mandat-dépôt sera signée au même moment que la convention entre actionnaires afin d’éviter toute dispute à cet égard au moment de l’exercice du droit d’achat.

Par ailleurs, les diverses modalités de transfert qu’il est nécessaire de prévoir à la convention entre actionnaires afin d’éviter des négociations inutiles au moment du transfert varieront selon le contexte de la transaction. Ainsi, les modalités encadrant le transfert d’actions d’un actionnaire réputé en défaut selon la convention seront différentes de celles encadrant le transfert en cas de décès.

Dans ce premier cas, soit le transfert d’actions d’un actionnaire réputé en défaut selon la convention, il sera de l’intérêt des parties, en cas d’exercice par les coactionnaires de leur option d’achat des actions de l’actionnaire en défaut, de mettre un terme à leur relation d’affaires le plus rapidement possible. C’est pourquoi il pourrait être opportun que le paiement du prix d’achat, s’il n’est pas effectué en totalité à la séance de clôture, soit effectué à l’intérieur d’un délai très court (moins d’un an). Par contre, la période de remboursement pourra être plus étendue : cela évitera ainsi de voir l’actionnaire en défaut bénéficier du paiement rapide des actions vendues. De plus, le taux d’intérêt sur le solde du prix de vente sera également assujetti à un escompte par rapport au taux généralement applicable dans ce type de transaction. En résumé, les actionnaires fixeront les modalités de paiement en établissant un juste milieu entre le paiement immédiat des actions et l’étalement des remboursements au bénéfice des actionnaires acheteurs.

Pour le transfert d’actions en cas de décès, les modalités seront celles qu’on trouve généralement dans le contexte d’une transaction négociée sans lien de dépendance, les modalités de paiement devant être raisonnables tant pour le vendeur que pour les acheteurs puisqu’il ne s’agit pas ici d’un cas de défaut.

Toutefois, le paiement des actions devrait se faire au comptant à la séance de clôture, et ce, pour le plein montant du prix d’achat, dans la mesure où une police d’assurance aura été souscrite à cette fin. Si le prix des actions excède le produit de la police, l’excédent pourra être payé selon les modalités dont les parties auront convenu.

Il est important de noter que l’obligation des parties de procéder à la tenue de la séance de clôture selon les termes de la convention entre actionnaires ne vaut que si les parties se sont effectivement engagées en ce sens. Afin de s’assurer que les actions soient effectivement transférées aux actionnaires acheteurs, il sera pertinent de prévoir une clause de mandat-dépôt, selon laquelle les certificats d’actions seront déposés d’avance entre les mains d’un mandataire-dépositaire qui se chargera de transférer les actions visées sur avis des actionnaires acheteurs.

Si les parties ne désirent pas s’adjoindre un tiers pour agir à titre de mandataire-dépositaire, la convention pourra tout de même prévoir, dans le cas de défaut de l’actionnaire vendeur de procéder à la date prévue à la séance de clôture, que la société aura alors le droit et l’obligation d’inscrire le transfert des actions dans les registres; les actions visées seront automatiquement transférées au bénéfice des acheteurs, sous réserve toutefois du dépôt par les acheteurs auprès du mandataire-dépositaire ou de la société, du prix d’achat ou d’une partie de celui-ci à la date de la séance de clôture, tel que l’exige la convention entre actionnaires.[2]

[1] (par. 70 (5) L.i.r. et art. 436 L.i.)

[2] Me Paul Martel, Les conventions entre actionnaires, Collection de droit du Barreau u Québec, 2016-2017

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