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Pension alimentaire et autonomie financière

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En premier, lieu il est opportun de rappeler l’article 15.2 (6) d) Loi sur le divorce prévoit que le Tribunal doit favoriser, dans la mesure du possible, l’indépendance économique de chaque partie dans un délai raisonnable.

En deuxièmement lieu, il est opportun de rappeler les grandes lignes qui caractérisent le courant jurisprudentiel en matière de pension alimentaire entre ex-conjoints.

Il a été reconnu par les tribunaux que le créancier alimentaire doit prendre les moyens nécessaires pour atteindre une autonomie suffisante.[1] L’obligation alimentaire du mari à l’égard de son épouse cesse lorsque celle-ci a eu le temps requis pour lui permettre de mettre ses connaissances à jour dans la profession qu’elle occupait.[2]

Il a également été reconnu que même dans les mariages de longue durée, il est approprié de fixer un terme au paiement de la pension alimentaire, lorsque la preuve démontre que le créancier alimentaire est capable de survivre par ses propres moyens, en jouissant d’un standard de vie raisonnable.[3]

Les tribunaux ont identifié trois situations justifient l’imposition d’un terme à une pension alimentaire: 1) le créancier alimentaire sera autonome financièrement à court terme, fournit trop peu d’effort pour l’être ou ne le sera pas en raison de choix personnels; 2) la courte durée du mariage; 3) le débiteur alimentaire est considéré avoir rempli son obligation sociale fondamentale à l’expiration de ce terme.[4]

De plus, Il y a lieu d’imposer un terme à la pension alimentaire lorsque la capacité de travailler du créancier alimentaire et ses possibilités réelles de devenir autonome ne dépendent plus du mariage ou de son échec, mais de ses choix personnels ou professionnels.[5] Il y a aussi lieu d’assortir la pension alimentaire d’un terme, sur preuve d’une absence de tout effort pour acquérir une autonomie financière, le tout en tenant compte de l’ensemble des circonstances.[6]

La jurisprudence a établi que la fixation d’un terme pour la révision de la pension alimentaire est envisageable dans les situations qui présentent un caractère transitoire ou comportent des éléments indéterminés ou incertains ou encore lorsqu’on veut encourager une personne à faire certaines démarches.[7]

Les tribunaux ont également identifié qu’il y a lieu d’annuler la pension alimentaire en faveur de l’ex-épouse qui n’a fait aucun effort pour réintégrer le marché du travail depuis la séparation et qui vit maintenant avec un nouveau conjoint.[8] L’absence complète d’efforts de l’ex-épouse pour trouver un emploi, malgré la mise en garde d’un jugement précédent, justifie également de mettre fin à une pension alimentaire.[9]

Selon les enseignements des tribunaux, l’ex-épouse a l’obligation de contribuer, dans la mesure du possible, à sa propre subsistance et doit profiter de la période transitoire prévue à une convention entre époux pour retourner sur le marché du travail.[10] De plus, il n’y a pas lieu d’accorder une pension alimentaire lorsque la situation difficile dans laquelle se trouve un des époux ne découle pas du mariage ou de sa rupture, mais plutôt de son choix de ne pas travailler à l’extérieur du confort de la maison et de son obstination à vouloir gagner sa vie avec des activités spéculatives.[11]

Le Code de procédure civil du Québec prévoit explicitement que lorsque l’information contenue dans les documents prescrits est incomplète ou contestée, ou dans tous les cas où il l’estime nécessaire, le tribunal peut y suppléer et, notamment, établir le revenu d’un ex-conjoint. Il tient alors compte, entre autres, de la valeur de ses actifs et ses revenus qu’ils produisent ou qu’ils pourraient produire, selon ce qu’il estime approprié. Le Code de procédure civil donne donc toute la liberté aux Juges d’imputer un revenu concevable afin de suppléer au revenu déclaré d’un ex-conjoint aux fins du calcul de la pension alimentaire.

Ce pouvoir est généralement utilisé dans deux circonstances. La première vise les cas où les informations données sur le revenu sont incomplètes ou erronées. La deuxième concerne les situations où, même si les informations sont exactes, le revenu d’un ex-conjoint est inférieur à ce qu’il devrait être en fonction de sa capacité de travail. Cela vise les cas où un parent adopte une démarche professionnelle insouciante ou imprégnée de mauvaise foi, susceptible de conséquences fâcheuses sur son obligation alimentaire. La jurisprudence répertorie diverses situations: l’abandon d’un emploi, la diminution volontaire du revenu, le refus de maximiser ses gains, la prise volontaire de la retraite et la réorientation de la carrière. Chaque situation est évaluée à son mérite pour vérifier si, au regard de toutes les circonstances, la décision de l’ex-conjoint est raisonnable.[12]

Il est bien établi que lorsque quelqu’un a la capacité de travailler, ou est présumé avoir une telle capacité, et qu’il choisit volontairement de ne pas le faire ou ne fait pas les efforts raisonnables pour travailler, le tribunal peut lui établir un revenu.[13] De surcroit, il est depuis longtemps admis par la jurisprudence que l’évaluation des revenus aux fins du calcul de la pension alimentaire doit être analysée de façon large et libérale.[14]  Lorsque le tribunal fixe un revenu, il ne doit pas uniquement se baser sur les revenus déclarés aux autorités fiscales, mais il doit tenir compte des revenus de toute provenance, quelles qu’en soient la source et la nature.[15]

Néanmoins, la jurisprudence a déterminé qu’en cas d’annulation de la pension alimentaire, un délai de grâce peut être accordé au créancier alimentaire pour lui permettre de s’y préparer.[16]

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[1] Droit de la famille — 2166, (C.S., 1999-08-10), SOQUIJ AZ-99021847, J.E. 99-1706, [1999] R.J.Q. 2429, [1999] R.D.F. 782 (rés.), REJB 1999-13980, 1999 CanLII 12000 (QC CS)

[2] J.L. c. D.D., (C.S., 2006-05-19), 2006 QCCS 2964, SOQUIJ AZ-50375062, J.E. 2006-1328, [2006] R.D.F. 512, EYB 2006-106068

[3] F.W. c. E.C., (C.S., 2006-05-31), 2006 QCCS 337, SOQUIJ AZ-50376379, J.E. 2006-1453, [2006] R.D.F. 552, EYB 2006-106606 (appel rejeté par (C.A., 2006-12-13), 2006 QCCA

[4] Droit de la famille — 162767, (C.S., 2016-11-04), 2016 QCCS 5526, SOQUIJ AZ-51341145, 2016EXP-3701, J.E. 2016-2042, EYB 2016-272804

[5] Droit de la famille — 161048, (C.S., 2016-04-26), 2016 QCCS 2123, SOQUIJ AZ-51285400, 2016EXP-1766, J.E. 2016-968, EYB 2016-265437

[6] Droit de la famille — 161273, (C.A., 2016-05-30), 2016 QCCA 915, SOQUIJ AZ-51292432, 2016EXP-1855, J.E. 2016-1026, EYB 2016-266261; Droit de la famille — 161349, (C.S., 2016-06-07), 2016 QCCS 2646, SOQUIJ AZ-51295239, 2016EXP-2020, J.E. 2016-1115

[7] Droit de la famille — 172295, (C.S., 2017-09-26), 2017 QCCS 4459, SOQUIJ AZ-51430345, 2017EXP-2907, EYB 2017-285328

[8] R.T. c. J.Tu., (C.S., 2003-07-03), SOQUIJ AZ-50183208, J.E. 2003-1681, [2003] R.D.F. 1001 (rés.), REJB 2003-46509, 2003 CanLII 13596 (QC CS)

[9] Droit de la famille — 16849, (C.S., 2016-03-31), 2016 QCCS 1638, SOQUIJ AZ-51276511, 2016EXP-1305, J.E. 2016-702, EYB 2016-264451; Droit de la famille — 3603, (C.S., 2000-04-17), SOQUIJ AZ-00026293, B.E. 2000BE-602, REJB 2000-17910, 2000 CanLII 19136 (QC CS)

[10] M.-J.L. c. P.F., (C.S., 2005-04-25), SOQUIJ AZ-50311821, J.E. 2005-981, [2005] R.D.F.

[11] Droit de la famille — 1645, (C.S., 2016-01-15), 2016 QCCS 106, SOQUIJ AZ-51245303, 2016EXP-403, J.E. 2016-192, EYB 2016-260960; Droit de la famille — 16868, (C.S., 2016-04-14), 2016 QCCS 1707, SOQUIJ AZ-51277673, 2016EXP-1449, J.E. 2016-785, EYB 2016-264568

[12] Droit famille 17616, A.E./P.C. 2017-1093 (C.A.); Droit famille 162999, A.E./P.C. 2017-891 (C.A.);

[13] Droit famille 162999, A.E./P.C. 2017-891 (C.A.); Droit famille 161945, A.E./P.C. 2016-650 (C.A.); 2016 QCCA 1286; J.E. 2016-1445 (C.A.); EYB 2016-268930 (C.A.); Droit de la famille 162994, A.E./P.C. 2017-1049 (C.S.); 2016 QCCS 6031; 2017EXP-99 (C.S.); EYB 2016-273889 (C.S.).

[14] Droit famille 162922, A.E./P.C. 2017-963 (C.S.); Droit famille 16442, A.E./P.C. 2016-633 (C.S.);

[15] Droit de la famille 17613, A.E./P.C. 2017-1212 (C.S.); Droit de la famille162036, A.E./P.C. 2017-866 (C.S.); Droit de la famille 16442, A.E./P.C. 2016-633 (C.S.)

[16] F.W. c. E.C., (C.S., 2006-05-31), 2006 QCCS 337, SOQUIJ AZ-50376379, J.E. 2006-1453, [2006] R.D.F. 552, EYB 2006-106606 (appel rejeté par (C.A., 2006-12-13), 2006 QCCA 1663, SOQUIJ AZ-50414831)

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