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Non conformité de la superficie des copropriétés vendues sur plan

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Depuis quelques années déjà, force est de constater qu’un courant jurisprudentiel semble se concrétiser relativement à la conformité de la superficie des copropriétés vendues sur plan.  Il y donc quelques décisions phares qui pourraient vrai trouvées application dans les circonstances.

En premier lieu, dans l’affaire Patel c. Condominiums Centro inc.[1], la demanderesse réclamait la somme de 30 296,97 $ en raison d’une unité de condominium mesurant 14 % de moins que la superficie brute achetée sur plan. La défenderesse plaida que la superficie indiquée dans la promesse d’achat était approximative et que la demanderesse était informée de la superficie brute « may differ substantially » de la superficie calculée lors de la confection du certificat de localisation. En vertu de l’article 1720 du Code civil du Québec (C.c.Q)[2] le vendeur est tenu de délivrer la contenance indiquée au contrat, à moins qu’il ne prouve que le bien a été vendu sans égard à cette contenance. Ce test ne fut pas rencontré par la défenderesse et la demande à été accueillie en partie pour les motifs suivants. Le fait que la superficie de 904 pi2 indiquée sur l’offre préliminaire d’achat comme étant approximative n’exonère pas la défenderesse de son obligation légale en vertu de l’article 1720 du C.c.Q. Le Tribunal constate que ni la promesse d’achat ni les clauses écrites en petits caractères sur le plan et la note d’information ne contiennent suffisamment d’information pour permettre à une personne raisonnable placée dans la même situation que la demanderesse de savoir que la superficie habitable allait être livrée au même prix, amputée de l’équivalent d’une chambre.

L’article 1058 du C.c.Q. prévoit que toute personne a le devoir d’honorer les engagements qu’elle a contractés. La défenderesse a manqué à cette obligation, car les dimensions de l’unité livrée ne sont pas celles faisant l’objet de son engagement envers la demanderesse. La prétention de la défenderesse qu’un déficit de superficie de l’ordre de 20% entre la superficie promise et celle apparaissant sur le certificat de localisation est normal et acceptable dans le secteur de la vente de condos sur plan, suggère qu’il s’agit d’une pratique connue et appliquée par la défenderesse. Si tel est le cas, la défenderesse aurait manqué à son obligation d’informer la demanderesse dans le contrat que le déficit de superficie pouvait être de l’ordre de 20%.

Une telle pratique de livrer un bien non conforme à la réalité constitue une pratique interdite au sens de la Loi sur la protection du consommateur  (LPC).[3] Selon l’article 253 de la LPC, il est présumé que la demanderesse n’aurait pas acheté si elle avait connu cette pratique ou n’aurait pas contracté aux mêmes conditions, le fardeau de reverser cette présomption appartient donc au vendeur. L’article 219 de la LPC prévoit qu’aucun commerçant ne peut, par quelque moyen que ce soit, faire des représentations fausses ou trompeuses à un consommateur. De plus, l’article 221 de la LPC indique qu’aucun commerçant ne peut faussement attribuer à un bien une dimension ou une mesure. Le déficit de superficie de 127 pi2, constitue un défaut de contenance, vu sa proportion par rapport à l’espace vendu pour un petit condo de 904 pi2. Cette différence n’a pas été clairement divulguée. En présence de clause ambiguë, elle doit être interprétée en faveur de l’acheteur tel qu’il a été décidé dans Ouellet c. Édifice 10 St-Jacques inc. dont nous évoquerons subséquemment. Le Tribunal tient, entre autres, compte que la demanderesse qui effectuait l’acquisition d’une unité de copropriété vendue sur plan s’attendait à ce que la différence de superficie ne dépasserait pas 5 %, ce qui est raisonnable.

De surcroit, selon l’art 1379 du C.c.Q, en matière de contrat d’adhésion, les stipulations essentielles du contrat sont rédigées et imposées par le vendeur. Selon l’article 1432 du C.c.Q, applicable au contrat d’adhésion, la clause litigieuse de « superficie approximative » invoquée par l’acheteur doit, en cas de doute, être interprétée en faveur de celui-ci.

En regard de l’ensemble de la preuve, le Tribunal estime raisonnable de condamner la défenderesse à payer à la demanderesse la somme de 7 500 $ à titre de compensation pour la différence entre la superficie vendue et celle livrée et de 1 500 $ pour troubles et inconvénients.

Dans l’affaire Turgeon c. Germain Pelletier ltée,[4] la Cour d’appel a décidé que lorsque les dimensions de l’unité de condominium fournie par le bureau des ventes ne sont pas conformes à la réalité, le tribunal peut conclure que le vendeur se livre à une pratique interdite au sens de la LPC. La bonne ou la mauvaise foi du vendeur n’est pas pertinente. Par ailleurs, l’arrêt confirme que le vendeur est tenu de délivrer la contenance indiquée au contrat à moins qu’il ne prouve que le bien a été vendu sans égard à cette contenance. Ainsi, les acheteurs pouvaient invoquer les articles 1401 et 1407 C.c.Q. qui disposent que l’erreur d’une partie, provoquée par le dol de l’autre partie ou à la connaissance de celle-ci, vicie le consentement dans tous les cas où, sans cela, la partie n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions différentes. Le dol peut résulter du silence ou d’une réticence. Celui dont le consentement est vicié a le droit de demander la nullité du contrat; en cas d’erreur provoquée par le dol, de crainte ou de lésion, il peut demander, outre la nullité, des dommages-intérêts ou encore, s’il préfère que le contrat soit maintenu, demander une réduction de son obligation équivalente aux dommages-intérêts qu’il eût été justifié de réclamer.

Dans l’affaire Ouellet c. Édifice 10 St-Jacques inc.[5], il est de l’avis du Tribunal, que le fait que les dimensions indiquées ne soient qu’approximatives, ne suffit pas à expliquer la différence de 22 % entre la superficie brute et la superficie nette. Dans le cas d’un appartement de petite dimension, une telle différence est importante. En vertu de l’article 1458 du C.c.Q., la défenderesse doit être tenue responsable du préjudice qu’elle cause à la demanderesse, pour avoir manqué à son devoir d’honorer l’engagement qu’elle a contracté.

Dans la cause Fournier c. Constructions Beau-Design inc.,[6] la preuve a révélé que l’unité de copropriété que le demandeur a achetée lui a été livrée avec une contenance superficiaire de 800 pieds carrés, alors que le contrat préliminaire signé avec la défenderesse Beau-Design prévoyait une superficie « approximative » de 852 pieds carrés. Le juge Lachance conclut que le mot « approximatif » utilisé au contrat préliminaire n’explique pas les différences de grandeur et la superficie habitable de l’unité de copropriété était une considération importante pour le demandeur. En vertu de l’article 1720 du C.c.Q., il condamne Constructions Beau-Design inc. à payer au demandeur Fournier la somme de 4 797 $ pour une carence de 52 pieds carrés.

Nous pouvons donc constater que plusieurs acheteurs se trouvant dans des situations similaires ont eu gain de cause relativement au défaut de contenance superficiaire. Toutefois, certains vendeurs incluent une clause clause d’exonération de responsabilité. En vertu de cette clause l’acheteur renoncerait à toutes réclamations contre le vendeur.

Cependant, de notre humble avis, cette clause est abusive car elle retire le droit de l’acheteur de prendre un recours pour faire valoir ses droits peu importe l’importance de la non-conformité. En d’autre mots, le vendeur s’exonère de toute responsabilité relativement à la contenance du bien délivré et se donne le droit de vendre un appartement qui pourrait être non conforme aux approximations dont il a lui-même fait les représentations, nonobstant l’importance de la non-conformité. Ce raisonnement nous parait vraisemblablement excessif et déraisonnable, allant ainsi à l’encontre de ce qu’exige la bonne foi. De plus, cette clause tend à dénaturer l’ensemble du contrat. La Cour d’appel à déjà reconnu nulle une clause prévoyant l’exonération complète de toute responsabilité dans un contrat.[7] De plus, en vertu de l’article 1437 du C.c.Q, la clause abusive d’un contrat de consommation ou d’adhésion est nulle ou l’obligation qui en découle, réductible. Est abusive toute clause qui désavantage le consommateur ou l’adhérent d’une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l’encontre de ce qu’exige la bonne foi; est abusive, notamment, la clause si éloignée des obligations essentielles qui découlent des règles gouvernant habituellement le contrat qu’elle dénature celui-ci.

Or, l’évaluation des faits spécifiques d’une cause sont laissés à l’appréciation du juge saisi du litige. Il est donc difficile prévoir avec précision les conclusions auxquelles le tribunal peut parvenir. Nous considérons néanmoins que les acheteurs victimes d’un tel préjudice ont, désormais, des arguments pertinents à faire valoir dans les circonstances.


[1] Patel c. Condominiums Centro inc., 2011 QCCQ 2805 (CanLII)

[2] Code civil du Québec (L.Q., 1991, c. 64.)

[3] L.R.Q., chapitre P-40.1

[4] Turgeon c. Germain Pelletier ltée, J.E. 2001-314 (C.A.)

[5] Ouellet c. Édifice 10 St-Jacques inc., 2008 QCCS 4253 (CanLII) 

[6] Fournier c. Constructions Beau-Design inc., B.E. 2004B E-816.

[7] Allendale Mutual Insurance Compagny c. Hydro-Québec, (2001) C.A. REJB 2001-27379

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