LE LIQUIDATEUR DE LA SUCCESSION
LE LIQUIDATEUR DE LA SUCCESSION
Toute succession, aussi bien légale que testamentaire, est pourvue d’un liquidateur. Ce dernier peut avoir été choisi par le testateur. Autrement, comme le précise l’article 785 C.c.Q.,[1] la charge de liquidateur incombe de plein droit aux héritiers.
En outre, les héritiers peuvent désigner, à la majorité, le liquidateur et ils peuvent même pourvoir au mode de son remplacement. Enfin, il est aussi prévu que le tribunal peut désigner ou remplacer un liquidateur dans certaines circonstances
L’article 777, al. 1 C.c.Q. dispose que le liquidateur exerce la saisine des héritiers et des légataires particuliers pendant tout le temps nécessaire à la liquidation. Le législateur donne ainsi à entendre que le liquidateur de la succession est pourvu de pouvoirs considérables.
Lorsque le défunt a fait un testament, le liquidateur prend toutes les mesures nécessaires à son exécution. Peu importe qu’il s’agisse d’une succession avec ou sans testament, c’est le liquidateur qui l’administre. Ce dernier poursuit notamment la réalisation des biens de la succession dans la mesure nécessaire au paiement des dettes et des legs particuliers.
Lorsque la liquidation prend fin, le liquidateur doit rendre compte et, si le testament ou la majorité des héritiers le requiert, joindre à son compte une proposition de partage. Il doit enfin faire la délivrance des biens aux héritiers.
L’article 802 C.c.Q. dispose que le liquidateur agit à titre d’administrateur du bien d’autrui chargé de la simple administration. Le liquidateur est ainsi soumis à deux régimes, celui de la liquidation successorale et celui de l’administration du bien d’autrui, que le législateur a placé au Livre Des biens.
Nombre de règles sont propres au liquidateur d’une succession, par exemple celles qui concernent sa désignation. En revanche, il faudra appliquer, en d’autres circonstances, des règles de l’administration du bien d’autrui pour compléter les règles prévues en matière de liquidation successorale, par exemple lorsqu’il s’agira de la cessation des fonctions du liquidateur.
Pour exercer la fonction de liquidateur d’une succession, la personne physique doit être pleinement capable d’exercer ses droits civils. Certaines personnes morales peuvent aussi exercer cette charge. Il n’est pas précisé que l’héritier ou le légataire peut être désigné comme liquidateur, mais cela va de soi quant à l’héritier selon un testament et quant au légataire universel ou à titre universel. En effet, puisque la charge incombe de plein droit aux héritiers, le testateur peut certainement confier cette charge à l’un ou à plusieurs d’entre eux. Quant au légataire particulier, rien n’empêche le testateur de le désigner comme liquidateur, car l’article 783 C.c.Q. ne pose qu’une condition quant à l’aptitude de la personne physique à exercer cette charge.
Pour exercer la charge de liquidateur d’une succession, la personne morale doit être autorisée par la loi à administrer le bien d’autrui. Si on se reporte aux textes qui, au Code civil du Québec, régissent la capacité des personnes morales, on apprend que ces personnes peuvent exercer certaines charges, dont celle de liquidateur d’une succession, dans la mesure où elles sont autorisées par la loi à agir à ce titre. Pour savoir si telle ou telle personne morale est autorisée à exercer la charge de liquidateur d’une succession, on devra vraisemblablement continuer de rechercher telle autorisation dans la loi sous l’empire de laquelle cette personne morale a été constituée. Actuellement, les seules personnes morales qui peuvent agir comme liquidateur d’une succession sont les sociétés qui sont expressément autorisées par leur acte constitutif à agir comme tel, sociétés auxquelles s’applique la Loi sur les sociétés de fiducie et les sociétés d’épargne.
Il existe plusieurs façons pour désigner le liquidateur. Généralement, c’est le testament qui y pourvoit, mais, à défaut, les héritiers peuvent convenir entre eux de la nomination d’un liquidateur. En certaines circonstances, c’est le Code civil du Québec qui y pourvoit directement ou, comme dernier mode, le tribunal.
Il existe un régime de priorité entre les divers modes de désignation du liquidateur. Le choix effectué par le testateur prime toujours. Ce n’est que si le testament ne contient aucune désignation ou que le liquidateur désigné ne peut exercer la charge, par exemple parce qu’il est décédé avant le testateur ou qu’il refuse la charge, que les héritiers l’assument eux-mêmes et peuvent désigner un liquidateur. Quant au tribunal, il ne peut être que le dernier intervenant, dans certaines circonstances particulières.
Dans le cas d’une succession sans testament, les héritiers sont eux-mêmes liquidateurs de plein droit, la désignation est donc légale, mais ils peuvent choisir de désigner un liquidateur, auquel cas la désignation est conventionnelle. C’est dire que la désignation par la loi est seulement un mode subsidiaire de désignation du liquidateur, en l’absence d’une désignation par les héritiers.
La même règle est d’ailleurs valable dans la succession testamentaire, lorsque le testateur n’a pas pourvu à la désignation d’un liquidateur ou que, pour toute autre raison, la désignation ne peut avoir effet.
Non seulement le Code civil accorde-t-il une priorité à la désignation testamentaire du liquidateur par rapport aux autres modes, mais on constate en outre que les modes sont également « étanches » entre eux. Un mode de désignation exclut donc l’intervention ou l’interférence des règles propres à un autre. Par exemple, les héritiers ne peuvent modifier les paramètres des fonctions du liquidateur lorsque la désignation de ce dernier a été l’œuvre du testateur, car « [e]n investissant ainsi un ou des tiers de cette charge [liquidateur], il limite la compétence des héritiers ».
L’article 786 C.c.Q. dispose que le testateur peut désigner un ou plusieurs liquidateurs. Le testateur peut aussi pourvoir au mode de remplacement du ou des liquidateurs qu’il nomme. Ce remplacement peut certainement être fait par voie de nomination directe, c’est-àdire que le testament peut identifier nommément un ou des remplaçants, quoique rien ne permette de croire que le remplacement indirect soit pour autant exclu. Le testateur peut, par exemple, charger le liquidateur qu’il désigne de nommer son remplaçant ou confier au tribunal le soin de le faire.
La désignation du liquidateur faite par le testateur doit être contenue dans un acte qui corresponde à la définition du testament et qui soit valide sous l’une des formes testamentaires. Il n’est toutefois pas requis que le testament dans lequel est désigné le liquidateur comprenne une disposition de biens, l’article 705 C.c.Q. permettant que le testament ne contienne que des dispositions relatives, notamment, à la liquidation successorale.
Normalement, le testament prévoit la désignation nominative du liquidateur. Le testateur pourrait toutefois désigner son liquidateur non pas par son nom, mais par la charge ou la position que cette personne occupe par exemple le maire de telle ville, ou encore sous l’appellation qui lui est attribuée comme administrateur d’une personne morale, le président du conseil d’administration de telle société.
Il n’est pas nécessaire que le testateur utilise le mot « liquidateur » pour désigner la personne à qui il entend confier cette fonction. L’article 786, al. 2 C.c.Q. dispose en effet que la personne désignée par le testateur pour liquider la succession ou exécuter son testament a la qualité de liquidateur, qu’elle ait été désignée comme administrateur de succession, exécuteur testamentaire ou autrement.
C’est l’article 785 C.c.Q. qui prévoit que les héritiers peuvent désigner un liquidateur. Ce pouvoir existe dans le cas d’une succession sans testament aussi bien que dans celui d’une succession testamentaire. On examinera les situations qui donnent ouverture à la désignation d’un liquidateur par les héritiers, puis les modalités relatives à la désignation.
Comme la charge de liquidateur incombe de plein droit aux héritiers, il n’y a pas lieu de désigner un liquidateur s’il n’y a qu’un seul héritier. Celui-ci est d’office liquidateur de la succession, à la condition, évidemment, qu’il soit pleinement capable de l’exercice de ses droits civils. Il ne peut d’ailleurs refuser cette charge. Si la succession légale comprend plusieurs héritiers, ceux-ci peuvent désigner le liquidateur; à défaut de le faire, ils occuperont tous la charge d’office.
Il se peut que les héritiers aient à désigner un liquidateur alors même que le défunt a fait un testament. L’absence de liquidateur peut en effet résulter d’une lacune du testament à cet égard, ce qui se produit lorsque le testateur n’a désigné aucun liquidateur. La désignation que le testateur a faite peut, par ailleurs, être sans effet pour une cause qui se rattache à la personne désignée. Il en est ainsi lorsque le liquidateur désigné est décédé avant le testateur, qu’il n’est pas ou n’est plus pleinement capable de l’exercice de ses droits civils, ou encore lorsqu’il refuse d’exercer la charge.
Dans ces différentes situations, il appartient aux héritiers, à qui la charge de liquidateur incombe de plein droit, de désigner la personne qui exercera cette charge, à moins qu’ils ne s’entendent pour l’exercer collectivement. Par ailleurs, si le testament ne nomme qu’un seul légataire universel, sans prévoir la désignation d’un liquidateur, c’est celui-ci qui devra, à titre d’héritier, assumer la fonction, conformément à l’article 784 C.c.Q.
La loi n’identifie pas les héritiers appelés à désigner le liquidateur. Il est toutefois certain qu’ils doivent avoir accepté la succession, car ceux qui sont appelés à une succession sont systématiquement qualifiés de successibles tant qu’ils ne l’ont pas acceptée. Il peut s’agir, selon le cas, des héritiers sans testament ou des légataires universels ou à titre universel, mais non des légataires particuliers.
Quant à ceux des héritiers qui seraient mineurs, ou majeurs en tutelle ou en curatelle, ils ne pourraient participer personnellement à la désignation du liquidateur, mais ils devraient être admis à agir par leur représentant. Comme une personne morale peut être légataire universel ou à titre universel, rien ne l’empêcherait de participer à la désignation d’un liquidateur.
Lorsque les héritiers sont appelés à désigner le liquidateur, c’est à la majorité qu’ils doivent le faire, tel que le prescrit l’article 785 C.c.Q. La majorité n’est pas qualifiée, mais il s’agit sans l’ombre d’un doute de la majorité en nombre et non de la majorité en valeur. Par ailleurs, la majorité exigée est la majorité absolue et non relative, c’est-à-dire qu’il faut avoir la majorité de tous les héritiers de la succession, et non seulement celle des voix qui seraient exprimées lors d’une assemblée à laquelle tous les héritiers ne participeraient pas.
Lorsque la désignation du liquidateur est effectuée par les héritiers, ils peuvent nommer aussi bien l’un d’entre eux qu’un tiers, pourvu que l’élu ait les qualités requises pour assumer les fonctions. Les héritiers peuvent-ils cependant désigner plus d’un liquidateur ? Ce qui fait douter d’une réponse affirmative est le fait que, relativement à la nomination du liquidateur par le testateur, il est précisé que celui-ci peut désigner un ou plusieurs liquidateurs. Or, à propos de la désignation par les héritiers, l’article 785 C.c.Q. se borne à prévoir qu’ils peuvent désigner « le » liquidateur. C’est ce qui explique la possibilité de conclure, du rapprochement de ces textes, que les héritiers ne pourraient désigner plus d’un liquidateur.
Quant à la forme de la désignation par les héritiers, la loi n’en prévoit aucune. Les héritiers pourraient donc procéder lors d’une rencontre, soit par vote à main levée, soit par voie de scrutin, soit de toute autre manière propre à permettre la manifestation de volonté de chacun d’eux. Il importe cependant que la preuve de la désignation puisse être conservée.
Une fois cette nomination faite, le contrôle sur la fonction de liquidateur échappe en quelque sorte aux héritiers. Advenant le cas où le liquidateur ne remplirait pas adéquatement ses fonctions ou qu’il manquerait autrement à ses devoirs, le seul moyen de le relever de ses fonctions serait l’article 791 C.c.Q., soit une demande de remplacement adressée au tribunal. Par contre, si les héritiers avaient simplement octroyé un contrat de service à une personne, sans la désigner comme liquidatrice, la situation serait alors différente.
Lorsqu’il s’agit d’une succession sans testament, les héritiers sont de plein droit liquidateurs de la succession. Ils le sont également dans une succession testamentaire, à moins que le testament ne contienne une disposition contraire. Il est vrai que, dans cette double hypothèse, les héritiers peuvent désigner le liquidateur, mais s’ils choisissent de ne pas le faire, ils assument eux-mêmes la charge. On peut donc dire que la loi aura alors pourvu indirectement à leur désignation.
Par ailleurs, en vertu de l’article 784 C.c.Q., lorsque la succession légale ou testamentaire ne compte qu’un seul héritier, ce dernier a l’obligation d’accepter la charge. Encore faut-il, même en ce cas, apporter une importante atténuation au rigorisme apparent de la règle.
Il y a certaines difficultés rencontrées lorsque l’héritier unique est mineur ou inapte. En effet, pour que joue l’obligation imposée par l’article 784 C.c.Q., il faut que l’héritier unique remplisse les conditions requises pour assumer la charge, notamment celle relative à la capacité exigée par l’article 783 C.c.Q. En ce sens, l’article laisse une importante question en suspens, soit celle du cas où l’héritier unique est un mineur ou un majeur inapte. Dans un cas où la seule héritière était la fille mineure du défunt, le juge a conclu à bon droit que l’obligation imposée par l’article ne pouvait s’appliquer à elle. Dans un tel cas, il faut donc se demander puisque, manifestement, cet héritier ne pourra agir comme liquidateur comment sera désigné le liquidateur. Par exemple, le représentant légal de l’héritier pourrait-il, de plein droit et en lieu et place de ce dernier, assumer cette fonction ? Dans la négative, pourrait-il à tout le moins désigner lui-même le liquidateur, en se prévalant de l’article 785 in fine C.c.Q. ? La désignation du liquidateur successoral nécessite-t-elle obligatoirement une intervention du tribunal ? Compte tenu du silence des textes, le débat reste ouvert, certains estimant que seul le tribunal peut alors désigner le liquidateur, d’autres soutenant au contraire que le représentant de l’héritier peut exercer le droit de nomination de son protégé sans qu’il soit nécessaire de recourir à la voie judiciaire.
Enfin, la loi pourvoit elle-même à la désignation du liquidateur lorsque la succession échoit à l’État, puisque le Code attribue alors la charge de plein droit au ministre du Revenu.
Les cas d’ouverture à la désignation judiciaire : Le premier cas où le tribunal peut désigner un liquidateur est celui où les héritiers ne se sont pas entendus. On comprend ici que la désignation judiciaire a lieu parce que ces derniers n’ont pu en arriver à la décision majoritaire exigée par l’article 785 C.c.Q.
Le deuxième cas où le tribunal peut intervenir est celui où il est impossible de pourvoir à la nomination du liquidateur. Compte tenu des articles 785 et 791 C.c.Q., il est difficile de voir dans quelles circonstances exactes la désignation d’un liquidateur est impossible, hormis, bien entendu, l’hypothèse où il y a défaut d’entente entre les héritiers. Dans une affaire où un enfant de deux ans était le seul héritier d’une somme provenant de la succession de son père, la mère de cet enfant a entrepris de se faire nommer liquidatrice. Examinant les rôles respectifs du titulaire de l’autorité parentale, du tuteur et du liquidateur d’une succession, le Tribunal a estimé que, dans ce dossier, la constitution d’un conseil de tutelle, conformément aux articles 222 et 224 C.c.Q., représentait la solution qui correspondait le mieux aux intérêts de l’enfant.
Lorsque le tribunal est compétent pour désigner ou remplacer un liquidateur, voire un liquidateur provisoire, tout intéressé peut lui présenter une demande à cet effet. Il peut donc s’agir non seulement d’un héritier, mais aussi d’un légataire particulier ou d’un créancier de la succession.
La demande est présentée à la Cour supérieure du district du domicile du de cujus. La juridiction du lieu où est domicilié le liquidateur de la succession est également compétente à l’égard de toute demande qui concerne la désignation du liquidateur ou l’exercice de ses fonctions. Nonobstant l’utilisation du mot « tribunal » aux articles 788, 791 et 792 C.c.Q., cette demande est vraisemblablement de la compétence du juge ou du greffier spécial, sauf si elle est contestée.[2]
[1] Code civil du Québec
[2] Droits des successions 2016, La désignation du liquidateur, Beaulne, Jacques, Morin, Christine, Wilson Lafleur
Pour de l’information sur les 13 étape de la liquidation d’une succession, nous vous invitons à visionner notre vidéo portant sur ce sujet:
Voici une vidéo indiquant les recours possibles contre un liquidateur qui ne respecte pas ses obligations :
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