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Le bornage et la jurisprudence

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Le bornage consiste à déterminer la ligne séparative de deux fonds contigus appartenant à des propriétaires différents. Il est donc nécessaire qu’une ligne de démarcation entre deux immeubles appartenant à des propriétaires différents puisse être déterminée.[1]

Aucune des opérations qui entrent dans les attributions d’un arpenteur n’est valide à moins qu’elle n’ait été exécutée par un arpenteur autorisé à pratiquer dans la province. Nulle autre personne n’a qualité pour poser ou planter les bornes prévues par la loi.[2]

Une entente de bornage a les mêmes qualités et comporte les mêmes conséquences qu’un bornage judiciaire. Elle lie les parties et leurs ayants cause. L’effet déclaratif d’un bornage conventionnel est le même que celui d’un bornage judiciaire: il est définitif, a la valeur d’un acte authentique et celle-ci ne peut être remise en cause que pour un motif de nullité..[3]

L’immeuble sujet à une déclaration de copropriété doit faire l’objet d’un plan cadastral déposé chez l’officier de la publicité des droits au bureau de publicité des droits, mais l’existence d’un tel plan n’affecte pas le droit au bornage. Même si la procédure en bornage doit normalement être dirigée contre le propriétaire de l’héritage contigu, les administrateurs d’une copropriété ont le droit et le devoir de représenter les copropriétaires pour la détermination des bornes d’une partie commune de l’immeuble. Le copropriétaire d’une partie d’un immeuble sujet à une déclaration de copropriété a les mêmes droits que le propriétaire d’un immeuble, incluant celui d’obliger son voisin au bornage.[4]

Tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës. Le bornage extrajudiciaire doit, pour être valide, remplir deux conditions essentielles. Il doit, en premier lieu, avoir été effectué par un arpenteur-géomètre ayant le droit de pratiquer dans la province. En second lieu, le procès-verbal le constatant doit être signé par l’arpenteur et les parties.[5]

Tant que le procès-verbal n’est pas signé par les deux parties, chacune est admise à répudier les opérations de bornage intervenues. Le procès-verbal constatant un bornage, et signé par les parties ou homologué en justice, fait preuve de la contenance et des limites de leurs propriétés. Il a l’effet d’un contrat entre les parties et régit alors leurs relations juridiques.[6]

Ceux qui se plaignent d’un empiétement n’ont pas l’obligation de faire borner les immeubles visés avant que naisse leur droit de se plaindre. Le bornage porte sur les preuves qu’ils devront éventuellement administrer et non sur la naissance même de leur droit et de leur recours.[7]

Si l’arpenteur n’est pas contraint de fonder ses opérations sur une ligne primitive manifestement erronée, il doit éviter, par ailleurs, de modifier des lignes déjà établies au détriment des titres qui, en fin de compte, sont le véritable critère de la propriété.[8]

Le rapport d’un arpenteur-géomètre comporte des erreurs déterminantes lorsque la solution qu’il adopte ne correspond ni à l’occupation physique des lieux, ni à l’intention des parties telle qu’exprimée dans les actes de vente.[9]

Si les voisins, ou l’un d’eux, refusent le procès-verbal, le bornage doit être fait en justice. L’arpenteur n’a plus alors la compétence requise pour déterminer la délimitation entre les propriétés.[10] Le tribunal qui constate une erreur, lors de l’arpentage primitif, ne peut le refaire.[11] Le tribunal ne peut déroger à la règle du partage égal des frais de bornage.[12] Le rôle du bornage judiciaire n’est pas de refaire les plans primitifs, non plus que les plans officiels, mais de déterminer la ligne séparative entre deux héritages.[13] Même s’il est démontré que la ligne séparative pourrait être située à un endroit plus avantageux que celui suggéré, il y a lieu d’accorder le tracé prévu par la demande.[14]

Le bornage n’a pas d’effet rétroactif, mais un effet déclaratif de la position qu’a toujours véritablement eue la ligne séparatrice des propriétés.[15] Le bornage est donc différent du recours en prescription acquisitive. Toutefois, l’acquéreur d’un terrain déterminé peut prescrire la propriété d’un terrain plus étendu que celui qui lui est attribué par son titre.[16]

La possession, si elle dure pour le temps prévu par la loi, permet au possesseur d’opposer à la contenance des titres et au bornage qui y serait décrit, la prescription acquisitive qui le rendra propriétaire du terrain et qui vaudra contre tout autre titre, pourvu qu’il puisse justifier de sa possession, c’est-à-dire en établir l’étendue.[17]

L’action en bornage est imprescriptible. Quel que soit le laps de temps pendant lequel deux fonds sont restés sans être bornés, l’un des propriétaires est toujours fondé à demander à son voisin l’établissement de bornes. Le bornage doit cependant être fait en fonction des droits acquis par la possession.[18]

Il y a trois sortes de certificats: le certificat de localisation, le certificat de piquetage et le certificat de bornage. Un certificat de localisation est l’opinion unilatérale d’un arpenteur sur la situation d’un bien-fonds par rapport aux titres, au cadastre ainsi qu’aux lois et règlements pouvant l’affecter. Il n’y a pas d’arpentage dans un tel cas et le certificat de localisation n’en est pas un de bornage.[19]

L’arpenteur-géomètre remplit le rôle d’enquêteur et d’analyste du terrain et des titres. De plus, il recueille des témoignages sous serment dans un cadre assimilable à une audition judiciaire. Il est tenu de respecter les règles fondamentales de la justice naturelle. Il apprécie la preuve et les autres éléments soulevés par les parties. Ses conclusions sont rédigées de façon à pouvoir les rendre exécutoires soit du consentement des parties soit par décision du tribunal.[20]

Le rapport de l’arpenteur-géomètre peut être contesté. Celui qui le fait doit démontrer l’erreur par prépondérance de la preuve. Toutefois, les questions de droit et d’appréciation de la preuve restent exclusivement du ressort du tribunal.[21]

Pour résoudre un litige concernant la ligne de division entre deux terrains, il faut procéder par action en bornage et non par requête en reconnaissance judiciaire du droit de propriété, puisque le jugement rendu à la suite de cette dernière procédure ne serait pas susceptible d’exécution.[22]

Le but d’une action en bornage est de déterminer les limites exactes de terrains contigus. La valeur de l’objet en litige, dans une telle action, ne se limite pas à celle de la parcelle de terrain sur les limites de laquelle les parties ne s’entendent pas.[23]

Une demande en bornage judiciaire oblige le tribunal à décider de la ligne séparatrice. Le procès-verbal d’abornement de l’arpenteur-géomètre désigné par les parties, ni accepté, ni signé par ces dernières, constitue un simple rapport d’expertise et ne peut être homologué avant la tenue d’un débat contradictoire.[24]

Seule la publication d’un procès-verbal de bornage au registre foncier permet de le rendre opposable aux tiers.[25]

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Extraits de : Baudouin, Jean-Louis et Renaud, Yvon, Code civil du Québec annoté, 20e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2017

[1] Jolicoeur c. Québec (Cité de), (C.S., 1969-09-14), SOQUIJ AZ-70021041, [1970] C.S. 247

[2] Lewis c. Montreal (City of), (C.S. Can., 1927-01-04), SOQUIJ AZ-50292947, [1927] R.C.S. 213

[3] Pomerleau-Fortin c. Chrétien, (C.S., 2004-07-26), SOQUIJ AZ-50264142, B.E. 2004BE-784, [2004] R.L. 361

[4] Longpré c. Guérard, (C.S., 1988-03-02), SOQUIJ AZ-88021226, J.E. 88-572, [1988] R.J.Q. 1075, [1988] R.D.I. 227

[5] Chevaliers de Colomb de Causapscal c. Tremblay, (C.S., 1972-01-26), SOQUIJ AZ-73021005

[6] Beausoleil c. Lafrenière, (C.S., 1945-07-14), [1946] R.L. 412, 1945 CanLII 242 (QC CS)

[7] Samson c. Québec (Procureur général), (C.A., 1992-02-19), SOQUIJ AZ-92011428

[8] Barry c. Gauthier, (C.A., 1990-04-06), SOQUIJ AZ-90011495, J.E. 90-682, [1990] R.D.I. 439, [1990]

[9] Patron c. Charbonneau, (C.A., 2003-10-01), SOQUIJ AZ-50194661

[10] Ouimet c. Desmarais, (C. Circuit, 1914-04-21), 21 R. de J. 96

[11] Otis c. Fournier, (C.S., 1992-03-31), SOQUIJ AZ-92023028, [1992] R.D.I. 299

[12] St-Lin-Laurentides (Ville de) c. Baron, (C.A., 2004-06-22), SOQUIJ AZ-50259236

[13] Barry c. Gauthier, (C.A., 1990-04-06), SOQUIJ AZ-90011495

[14] Foresterie VIG inc. c. Roy, (C.A., 2002-08-12), SOQUIJ AZ-50141442

[15] Trudel c. Gingras, (C.A., 1996-05-21), SOQUIJ AZ-96011620

[16] Chalifour c. Parent, (C.S. Can., 1901-03-28), 31 R.C.S. 224, 1901 CanLII 48 (SCC)

[17] Boutin c. Blais, (C.S., 1988-05-18), SOQUIJ AZ-88023031, [1988] R.D.I. 408

[18] McKay c. McCuaig, (C.S., 1910-09-10), 17 R. de J. 166 et Lyons c. Prévost, (C.S., 1924-02-29), 31 R.L. 44

[19] Desmarais c. Valiquette-Mondello, (C.Q., 1994-08-31), SOQUIJ AZ-94033066, [1994] R.D.I. 706

[20] Eastman (Municipalité d’) (Municipalité de Stukely) c. Gespoc inc., (C.S., 2005-04-18), SOQUIJ AZ-50308310

[21] Bouchard c. Capital Lévesque inc., (C.S., 2015-08-20), 2015 QCCS 3820, SOQUIJ AZ-51208300

[22] Laliberté c. Landry, (C.A., 1996-01-15), SOQUIJ AZ-96011186

[23] Larose c. Pinette, (C.A., 1996-04-22), SOQUIJ AZ-96011534

[24] Lambert c. Vachon, (C.S., 2002-02-12), SOQUIJ AZ-50113119

[25] Julien c. Malaison, (C.Q., 2004-01-06), SOQUIJ AZ-50214266

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